dimanche 22 février 2009

Sujets

Le sujet réel à été ébranlé sur ses bases récemment (dans sa et ses propriétés), mais cela n'est pas nouveau puisque "la peur est le premier moteur" (Claire de Lamirande) et que de tout temps l'animal humain a versé de période en période, périodes de bonheur ou indolence confortable interrompue par une période de panique qui le forçait à sauver sa peau, dans la fuite le plus souvent, puis dans le combat, donc à se redéfinir à partir de ses moyens d'expression et d'action, soit ses outils et la recherche incessante du perfectionnement de son outillage mental, pour enfin parvenir à prévoir et préparer les affrontements.

Le sujet abstrait du rationalisme est une réduction appauvrissante et asséchante de l'expérience (existentielle et cognitive complète) qui devient possible seulement après l'établissement de la (fausse) sécurité à la suite des révolutions bourgeoises et l'établissement du pouvoir de la finance. Il n'a pas fallu attendre la crise financière et politique moderne ou actuelle pour en dévoiler la vanité. Les penseurs aigus et lucides de plusieurs époques ont fait de cette critique leur tremplin vers l'originalité. Hobbes, Locke, Machiavel, Spinoza, ensuite la lignée spéculative allemande, Kant, Fichte, Hegel et Marx. Finalement nous abordons le terrain de la transformation concrète.

Le sujet actuel ne peut pas se permettre de viser régulièrement la cohérence, encore moins constamment. Il est divisé, ce sujet évanescent, en plusieurs appartenances et torturé de multiples contradictions. La rigueur monolithique n'aura toujours été qu'une fiction du genre "idéal régulateur" mais qui est aujourd'hui encore moins de mise. Nonobstant certaines ossifications de réactions préprogrammées et/ou régressives, c'est un sujet fluctuant et qui, dans le meilleur des cas, tel un navigateur en haute mer, cherche à faire le point de ses différents engagements, investissements et références. Ce sujet accroupis n'est pourtant pas croupi, toujours vivant! et quand il se redresse, tentant de prendre conscience de sa recherche de redéfinition il se voit presque obligé de redevenir le sujet révolutionnaire, condamné à la liberté qu'au fond il aura toujours été.

Sur la ligne de crête des crises qui se succèdent en effet comme de grandes vagues (ou de plus petites vaguelettes) l'être de l'homme répond à cette obligation de créativité dont l'énonciation fut d'abord sartrienne. Cela semble banal de dire que l'homme doit toujours à nouveau chercher et trouver de nouvelles solutions aux problèmes qui se posent à lui mais aussi qu'il se pose à lui-même. La coordination des temps objectifs dont le temps du monde et la temporalisation subjective est l'espace même de la liberté, qui ne se joue dans aucun territoire. La liberté se joue dans le temps et c'est bien ce que nous sommes tous en train de redécouvrir.

Banalité de le dire, comme si l'on reconnaissait un état de fait mais on ne prend pas la mesure de ce que cela signifie concernant la théorie du sujet ou la conception de ce qu'est l'être de l'homme. Le travail en intériorité, de la pensée mais d'abord de l'affect, est essentiel. L'homme que nous sommes, vous et moi, hommes et femmes, enfants encore plus, sommes des êtres qui avons à redéfinir, remanier nos manières de voir et d'agir, le terrain pratique mais aussi l'envoûtement imaginaire, à réinventer donc, à travers ces moments et qui sont proprement subjectifs, notre être, dans la participation à plus vaste, pas forcément plus grand que nous.

faute d'adresse

Un précédent message au sujet de la théorie du sujet s'est retrouvé dans un autre de mes blogs. Je vais le refaire pour ici mais au-delà de l'anecdote, cette erreur me fait réfléchir sur les nouveaux dangers qui se multiplient et je ne parle pas "seulement" des problèmes reliés à la question du vol d'identité sur le net, par exemple.

C'est déjà quelque chose et il n'y a pas de protection universelle. On nous parle d'un ver qui infiltrerait un grand nombre d'ordinateurs partout sur la planète, par exemple (et c'est du sérieux!) et qui est jusqu'à maintenant indétectable car sans effets ; on ne sait pas ce qu'a en tête celui ou ceux qui sont à son origine ni quand il frapperont... Ce ver a été baptisé "Storm Worm" en anglais, dans l'appréhension de la joyeuse tempête qui se prépare... peut-être : Ver Tempête.

Mais je vois qu'avec des identités fictives, plurielles, à moins d'être schizophrène à personnalités multiples (et de pouvoir, quelque part, "gérer" ou fonctionner par miracle), tout un chacun peut se générer le genre de problèmes qui étaient auparavant réservés aux menteurs pathologiques et agents secret à double ou triple jeu. Alors, espion de soi-même ? Échapper aux jugements ? Danser avec les fous ?

Déjà au XIXe siècle Nietzsche et Dostoïevski diagnostiquaient dans l'ère du bariolage les personnalités fluctuantes qui allaient faire du problème de la vérité une question de jeux de langage. Wittgenstein releva le fait et nous sommes entrés dans "l'ère du soupçon" qui devait presque autant au climat de la guerre froide qu'à la désintégration du sujet cristallisé. Le perspectivisme annoncé s'était dès lors rendu maître de la place.

Maintenant l'humanité peut s'imaginer de grandes perspectives, le vaste chemin, par exemple, de la conquête de la galaxie, mais continue laborieusement à se tirer dans les pieds. Entre le sujet fait-aux-pattes et la petite marge de manœuvre sartrienne, entre l'arbre et l'écorce, petit ver blanc ou de couleur... faut-il choisir ?

lundi 2 février 2009

retour

L'ouverture l'an dernier n'était pas un faux départ. Seulement je n'ai pas pu trouver le temps et le moyen de continuer à publier. Maintenant je me sens prêt à prendre un nouveau départ. L'objectif étant d'avancer, mettre en forme, organiser, une réflexion sur la question du sujet. Cette question me semble, actuellement, brûlante et stratégique. La décantation depuis l'an passé me permet d'affirmer que les fidélités qui comptent dans ma vie vont d'abord à Sartre, le personnage, la prestance inénarrable de la personne dans sa vie oui, certainement, mais plus fondamentalement à sa pensée, dont la tension essentielle nous parle encore, aujourd'hui et demain sans doute, dans l'urgence.

L'autre référence importante ici est Nietzsche. C'est le penseur des limites qui cherche son chemin à travers le chaos. C'est lui qui a perçu les abîmes sur lesquels se dresse l'arche chétive de l'existence dite consciente et a su décrire l'illusion de la culture comme une rêverie en commun. Nous sommes tous des lotophages !

Je me méfie de plus en plus de Heidegger, ainsi que de Freud et Lacan, de Foucault ainsi que de bien d'autres, dont Zizek, évidemment.

La discussion la plus féconde me semble devoir se poursuivre du côté de Badiou et aussi Negri concernant la situation actuelle du sujet dans le monde et les intrications nouvelles et moins nouvelles des contextes politiques.