mercredi 16 mars 2011

cesser d'agir c'est cesser d'être... (II)

Sartre a tout simplement radicalisé l'idée fondamentale de la phénoménologie, l'intentionnalité. Selon Sartre, tout est intention la part du sujet, intentionnel de par la conscience, intentionnalité dans la réalité humaine.

Simple et radicale, sa proposition et intervention, dans le domaine de la pensée et spécialement dans le champ philosophique spécial de la théorie du sujet, n'en est que plus difficile à suivre. Beaucoup résistent et disent : "Non mais... il exagère!" On résiste à cette radicalité, je résiste, ça résiste...

Et il faudrait peut-être faire une théorie de l'inconscient pour expliquer toutes ces résistances. Mais Sartre n'a cure de cette exigence qu'il repousse comme un cercle carré, une contradiction dans les termes, une impossibilité de principe. Comment du point de vue du conscient faire la théorie de ce qui par principe voire totalement lui échappe ?

Domaine sensible de la Metaphysica specialis ou Psychologie, ou encore Geisteswissenschaften (qui se sont par la suite différentiées en dites "Science Humaines") selon les anciennes divisions, qui ne se dépêtraient pas de la filiation théologique voire du mandement mystique.

Mais l'approche phénoménologique bouleverse ces traditions et veut provoquer la fusion des problématiques de la métaphysique générale avec la métaphysique spéciale qui est celle du sujet. Le phénoménologue se lance à la recherche d'une continuité ontologique par-delà la dualité constatée du cosmos et de l'homme.

Le penseur moderne prend acte de la multiplicité des perspectives vitales sur le monde de la volonté de puissance, à la suite de Nietzsche, intègre les récents résultats de la recherche scientifique et réorganise l'appareillage conceptuel, de même que la structure de rationalité devant correspondre au monde de la relativité générale et restreinte.

Le silence de ces espaces infinis ne nous effraie plus. Peut-être déjà parce que nous avons appris à écouter ce cosmos, son quantique éternel aux variations virtuellement infinies. À moins que cela ne soit plus son quantique virtuellement infini avec ses variations éternelles...

Observant lucidement cette profusion, aux possibilités définies, l'homme du troisième millénaire cherche à mieux connaître sa niche mais aussi à l'étendre dans ce cosmos. Simultanément cela relance l'urgence d'approfondir la connaissance de soi-même.

Comment, pour ce faire, plonger dans les profondeurs sombres, informulées, obscures ? Il y faut la puissance de déduction d'un Sherlock Holmes, un sens aigu d'observation, une structure spéculative informée, des techniques d'investigation dignes de ce "roman noir".

Nous sommes tous complices du crime, dit Sartre, et nous devons tâcher de regagner la possibilité de la réflexion pure. Même l'inconscient est intentionnellement caché, il se dérobe et pour cause! Mais on ne sait pas exactement laquelle... Pour Sartre il ne s'agit pas d'un envers de la conscience mais d'un implicite, que l'on peut retrouver en se questionnant sur les fins, sans dérobade.

L'intégrité d'un sujet touche à la mise en question de son projet originel d'être. Être, mais quoi ? Être, mais en vue de quoi ? Et l'idéalisme phénoménologique est en trajectoire de collision avec le scepticisme psychanalytique.

Alors, à quand une théorie matérialiste, voire scientifique, de la subjectivité du sujet ? Est-ce même une bonne manière de poser la question d'une connaissance satisfaisante du fait d'être humain ?

Car la recherche d’une théorie matérialiste du sujet ne saurait simplement se satisfaire d’une réduction de la conscience aux conditions matérielles de son existence. Ainsi l’on retomberait dans les pires erreurs du marxisme dogmatique voire du stalinisme, et c’est évidemment un attitude à proscrire absolument.

Par ailleurs cette science serait en elle-même paradoxale, car elle n’est pas objective, et tout d’abord parce que son objet lui-même n’est pas de nature intégralement objectivable. Il faut donc une théorie souple de la conscience, qui permette d’expliquer les phénomènes remarquables qui s’y produisent et qui laisse place au domaine autoréférentiel, à des facultés évoluées comme l’autoréflexion et la compréhension, qui n’est pas de même nature que l’intellection.

Celle-ci relève de l’intellectualisme alors que celle-là fait appel à la sensibilité de l’être sentant et non pas seulement pensant, aux connexions multiples dans un effort de totalisation, pondérant une riche culture, nécessaire, subtile et complexe pour se mettre en mesure de resituer tout fait humain, tout phénomène dans le contexte plus large d’une culture elle-même située dans son moment spécifiquement historique.

La science du sujet devra être elle-même historique et dialectique.

mercredi 9 mars 2011

cesser d'agir c'est cesser d'être

Depuis quelques temps, cette pensée m'obsédait. Sa formulation est claire. Trop ? Provocatrice... D'une bonne dose de réflexion en tout cas.


" Ainsi la réalité-humaine n'est pas d'abord pour agir, mais être pour elle, c'est agir et cesser d'agir, c'est cesser d'être. " (L'Être et le Néant, éd. Gallimard, collection TEL, p. 533)


Ici le "bénéfice secondaire" de ma névrose, il tient au fait que dans cette situation de blocage du désir, et tant qu'elle perdure, je puis me considérer comme étant dans une sorte de convalescence. Ce qui me permet de flatter mon premier penchant qui est pour la paresse, ainsi que la recherche, surtout de manière passive et évitante, d'une certaine quiétude.

Hier pourtant j'ai tenté de défier ce triste destin, en abordant cette jeune femme pour tenter d'initier une relation avec elle. C'était une émotion très forte, l'adrénaline battait son plein et j'avais les jambes non seulement flageolantes, ça tremblait très fortement au-dessous des genoux. Une très étrange sensation.

Je pourrais peut-être (re)devenir une sorte de Don Juan, si seulement je devenais "addict" (dépendant) de cette sorte de sensation et d'émotion. L'impression en tout cas de vivre intensément l'instant. L'exaltation de la conquête ? Mais pour moi dans ce cas-ci je crois bien que c'était la peur panique d'être, de me trouver, de me présenter nu et comme sans défense, ouvert et en proposant une ouverture d'amour et/ou d'amitié à une jeune femme et offert sans recours possible à la disposition, au jugement, acceptation ou rejet, devant le jugement d'autrui, finalement. Instantané et sans appel.

Peur du rejet. Peur du rejet ? La peur du rejet, devenu panique, pratiquement incontrôlable, à cause des blessures (narcissique) du passé aux traumatismes conservés vivants, non guéris, toujours saignants dans les méandres inconscients de la mémoire affective. C'est par la répétition et la réactivation de ces affects blessés que je suis devenu une personnalité évitante dans la vie civile. Un piètre citoyen. Mais il y a eu dès les débuts l'instauration d'un terrain favorable à ce type de névrose.

Je prétends que cela vient de la transmission caractérielle, génétique, donc, mais pas seulement, de la personnalité inquiète de mon père, tourmenté, irrité lui déjà d'une angoisse et névrose de rejet. Mais je prétends aussi qu'il a renforcé cette transmission génétique par le chaos qu'il a semé dans mes émotions par ses agirs dès les interactions au berceau. Cela se passait même avant l'âge de deux ans. Sous prétexte de jouer avec le jeune enfant, son premier fils, il le terrorisait.

Cela n'est pas exceptionnel. Je suis conscient que pratiquement tout le monde pourrait parler de tels sortes de traumatismes subis dans quelque part, tôt ou plus tard, dans leur histoire personnelle. Rarement le fait-on d'ailleurs. Je suis peut-être trop sensible. Mais le travail de l'écrivain comme du penseur, comporte, j'en suis convaincu une grande part d'expressivité. Et je ne suis pas du genre, courageux sur cet aspect, à me cacher derrière d'abstraites théories, mensongères déjà lorsque abstraites. Non pas vérités universelles mais détachées de tout contexte.

Alors je me dis que je ne cesse pas d'agir, ni, donc,d'être, tant que je cherche à comprendre, me guérir, réagir ! Tant que je veux toujours continuer de vivre, à croître et à croire, je peux toujours tâcher de me mettre en mesure de (re)devenir moi-même, de me régénérer et de tenter, comme tout le monde, de m'équivaloir, ou me hausser au niveau de mon propre destin.

Ce printemps encore me ramène à l'optimisme. Je nomme plus précisément l'optimisme existentiel de Sartre. Il demeure fondamental, à côté de tant d'autres thèmes plus sombres, qu'ils soient théâtraux ou tenant d'une implacable lucidité. Je retiens de lui cette phrase, en particulier, disant : " on peut toujours faire quelque chose de ce que l'on a fait de nous. "

C'est ainsi que le pour-soi se reprend, puisqu'il a à se faire être, à assumer son être. Libre, il est responsable et se refait, praxis ou autrement. (Poiesis, interne mini-praxis ? comment faire autrement ?)

Un jugement dur donne l'impression que Sartre n'a fait d'abord qu'une théorie (idéaliste ou volontariste) de la liberté pour artiste, créateur... et encore, écrivain ! Sartre a fait une théorie de la liberté pour les écrivains ! Et quelque part cette critique conserve tout son sens.

Mais l'écrivain est un homme dans une situation un peu faussement privilégiée. C'est un homme comme un autre, taboire ! (Juron québécois, pardon. Note de la rédaction) Le sens intime, même illettré, se débat et se reprend avec de possibles accès de (trans)lucidité. Je persiste à croire que bien comprise, la théorie du sujet qui se dégage des écrits de Sartre est toujours pertinente à la compréhension et explication de la réalité-humaine.

vendredi 28 janvier 2011

Table rase

Sartre part de l'intuition de l'existence, redécouverte à partir d'un dépouillement de la perception d'un existant brut, indifférent. C'est sa table rase à lui, le geste fondateur qui inaugure le domaine de sa pensée. il postule le sentiment correspondant de la Nausée. C'est le sentiment de dégoût, celui de découvrir la futilité de toues les entreprises humaines en face de l'absolue contingence de l'existant brut et découlant d'une émotion débordante, une sorte d'ivresse désagréable lors de l'expérience de cette "révélation", extase négative d'une découverte qui fait basculer le sens de la pertinence de toute construction subjective.

Le psychisme en proie à cette expérience, qui serait celle de la révélation de l'être perçu, en situation du fait d'être dans le monde des étants, selon Sartre, est fortement ébranlée et perd, en quelque sorte, tout ses repères au risque de sa consistance. Il réalise la faiblesse ridicule des manœuvres psychologiques de justification du sens ou de la pertinence des conduites humaines en face de l'intensité perçue du fait brut, facticité de l'être.

Cette expérience traumatisante est à la source de l'intuition de la "réflexion pure et non complice", qui affleure de loin en loin dans toute l'œuvre de Sartre mais qui est sa source secrète d'énergie. La Nausée est l'expérience originaire qui conduit à la découverte de la réflexion pure, sorte de matière première phénoménologique que cette réflexion est seule à même de thématiser. Révulsion au contact nu de l'être, ce volcan alimente comme la peur la fuite réflexive qui tente de restaurer la consistance mise à mal du psychisme. Mise à nu de la futilité de toute justification, excuses impuissantes et qui mène au refus de complicité avec les entreprises mondaines.

Cette émotion contrôlée, évitant la panique qui mène à la psychose, la côtoyant tout de même d'assez près, c'est ce qui donne à cette réflexion cette sorte spéciale d'allant qui séduit le lecteur empathique de Sartre. Réflexion pure constamment alléguée et qui forme la marge active en bordure de la pensée sartrienne.

C'est pourquoi je te conseille, Julien, de lire le premier roman de Sartre, La Nausée. Imprègne-toi bien de ce texte, tâche d'en comprendre tous les tenants et aboutissants, essaye d'éprouver et de réaliser cette expérience par toi-même. Je crois que tu t'assureras, ainsi, d'un point de départ pour sauter dans la réflexion sartrienne, mais il faut aussi lire La transcendance de l'Ego, tout de suite après La Nausée, et aussi un court texte, un peu difficile à trouver mais important : Esquisse d'une théorie des émotions (éd. Hermann), pour bien comprendre la teneur substantielle de son enquête d'ontologie phénoménologique telle qu'elle est exposée dans L'Être et le Néant.

lundi 17 janvier 2011

Penser ? Vivre !

Cette année de transition est pour décider, organiser et construire une nouvelle orientation.

Maintenant, cependant, ma pensée continue de subir une sorte de dissociation. D’un côté je souscris au matérialisme dialectique bien compris. Je me réfère au fameuses thèses sur Feuerbach où se trouve l’intuition marxienne fondatrice en sa cristallisation naissance (in statu nascendi) et ce dispositif de pensée ne se préoccupe strictement que de travailler efficacement sur ce plan d’immanence.

D’un autre côté, par le truchement d’une sorte d’intuition sur l’infini, avec une communication non limitée par les cadres logiques de la science matérialiste avec l’univers, sa vibration fondamentale, que l’on peut continuer, si l’on veut de choisir de nommer Dieu Créateur, je fais appel à une PRATIQUE d’une sorte d’effusion mystique, qui me semble pouvoir compléter le côté strictement limité de l’approche du matérialisme historique et dialectique. Yoga aurobindien, teinté de taoïsme…

Habituellement je ne ressens pas très fortement cette contradiction comme un problème. Avec le vieillissement, malheureusement plus que la maturation dont j’aimerais me targuer… je me suis désengagé des luttes et l’issue politique est vécue par moi d’une manière moins urgente. Mais au plan de la cohérence de la pensée, et donc de la pratique, comme de la sensation et la construction de l’engagement existentiel, je ne peux pas ne pas éprouver quelques tiraillements…

Alors je me débrouille avec une sorte de bricolage poétique où je m’imagine qu’il faille deux ailes à l’oiseau (de ma pensée, que dis-je, de mon être!) pour voler. Voler! et non plus simplement marcher… Remarque que cela serait déjà pas mal… Mon pas seulement le savoir et l’imaginaire, non pas seulement l’essai et le poème, non pas seulement la raison et le cœur, non pas seulement le corps sensible et l’âme désirante, mais encore, la pensée critique et l’envol spéculatif, l’esprit de lourdeur du « sens de la terre! » ! auquel nous conviait Nietzsche et l’expérience immanente d’une transcendance, sentie comme fusion intérieure et effusion à l’infini.

Alors, il ne s’agit pas seulement de résorber cette contradiction en conciliant les contraires. Il s’agit de la dynamiser et d’en faire l’unité éprouvée d’un chemin. D’où mon intérêt renouvelé pour les pensées orientales, toutes plus intéressantes les unes que les autres, dans l’accès qualitatif… mais en contradiction avec l’approche marxienne, que je ne veux pas abandonner.

Comment penser sainement quand on appartient à une civilisation très malade et en participant, même le moins possible, à des sociétés déséquilibrées ? C’est tout un travail et cela exige peut-être plus, probablement, que la meilleure des expertises philosophiques. Le grand rôle du philosophe comme « médecin de la civilisation » est sérieusement mis à mal quand celui-ci, sujet social chevillé à sa finitude délabrée est emporté par la même maladie.

Les choses en sont venues au point où l’on s’aperçoit que cette civilisation n’a cure de durée. Elle est bien évidement condamnée à disparaître très rapidement. C’est la motivation première de mon intérêt pour les civilisations chinoises et indiennes : elles s’inscrivent dans une durée plus longue, significative et en particulier la civilisation chinoise entretiens explicitement la volonté de projets qui se déroulent sur des millénaires. Je ne vois pas ce qui pourrait l’empêcher de prendre progressivement le contrôle et de présider au destin de la planète pour une longue époque qui verra l’expansion de l’espèce humaine vers les plus prochaines étoiles.

La pensée marxienne est saine mais limitée. J’observe comment les Chinois s’en sont emparés mais la complètent par leurs croyances spécifiques. Mais l’homme chinois est très différent de l’homme occidental. La structure psychique est difficilement comparable. L’organisation des croyances, la place de la logique (naturellement dialectique!), l’importance des connaissances est spécialement déroutante pour un esprit cartésien, par exemple.

En même temps, ils sont « to the point », concentrés sur le concret, en prise pratique, je dirais même pragmatique sur le monde, d’une différente manière que l’américaine… Je dirais provisoirement qu’ils sont moins piégés par l’abstraction rationaliste, qui est le défaut du système américain, mais plus piégés par l’abstraction poétique, qui les mène à surévaluer les formes, le prestige, le symbolisme. Volonté de puissance maladive, là aussi, mais maladie très différente. La VP américaine a la grippe, mais très grave, approche de la pneumonie… La VP chinoise a l’hépatite et ne pourra pas tout digérer dans sa goinfrerie. L'une est aux soins intensifs, on doute de son rétablissement... l'autre a besoin d'un régime encore inconnu ! Peut-être pas un régime "communiste!"... Bon. Que sais-je ?

Les deux côtés du monde exigent un grand penseur, qui viendrait proposer une grande synthèse, ou une médecine radicale, un nouveau but. Marx et Nietzsche sont à garder, c’est clair. Ce qui l’est moins c’est comment aller plus loin et dénouer les chaînes l’avenir. Confucius, je suis moins sûr… Zhuangze (Tchouang-Tsé), oui… selon mon goût ! Sauf pour son rêve du papillon, influence bouddhiste. Ce réel est incontournable. Mais… qui suis-je et surtout pour me prononcer !??

C’est pourquoi je veux approfondir ma connaissance de la planète chinoise, qui est un peu comme un autre monde, en tout cas une autre perception, perspectives différentes sur le monde. L’approche comparatiste est préliminaire à la production d’une nouvelle sagesse, par la grâce d’un saut qualitatif, qui est envol intuitif. Tout en continuant de méditer sous le patronage de Aurobindo.

Ah oui, autre particularité : la figure de Sartre me semble encore d’actualité, pour toute cette sorte de problèmes. Et l'espoir s'élargit à nos yeux, après quelques détroits, si l'on évite le gros des catastrophes et des guerres.

samedi 18 décembre 2010

Sartre!

(E-mail à un jeune ami, du 16 décembre 2010)

Bonjour Julien, Je viens de voir ton message. Cette adresse n'est pas mon courriel principal. Je ne pense à le consulter que de temps en temps. Ta question a l'air toute simple comme ça. mais c'est une question ouverte. Il faudrait que j'en connaisse un peu sur toi pour te faire une réponse adaptée.

Par exemple, moi, je suis un Québécois, j'ai eu la chance d'aller un an à Paris, il y a longtemps, en 1976 pour tout dire, pour étudier principalement la philosophie. J'étais marxiste à l'époque et sévissait Althusser. J'ai suivi les cours de Badiou, sur les dialectiques et j'avais beaucoup apprécié. C'est de retour au Québec que j'ai senti le besoin d'élargir le champ des questions et que je me suis servi de Sartre pour contourner le dogmatisme de la plupart des marxistes. Mais je suis tombé en amour avec sa pensée, c'est pourquoi j'ai fait mon mémoire de maîtrise sur lui : La mesure de l'impossible -étude de la notion de liberté dans l'œuvre philosophique et autobiographique de Sartre. "La vie et l'œuvre", quoi! L'engagement, la définition de l'intellectuel dans son rôle politique, sa relation à la société.

Après j'ai poursuivi mes lectures et réflexions, je suis allé beaucoup du côté de Nietzsche et contre, tout contre Heidegger. Sentimentalement, Sartre demeure mon préféré. Mais sa morale pratique est trop exigeante pour un petit bourgeois un peu paresseux et qui préfère sauvegarder un peu de confort. Bien sûr je ne parle pas de toi, je ne te connais pas, je parle de moi.

De par sa formation, Sartre est un hégélien rebelle. C'est la révolte de Kierkegaard contre le Système qu'il épouse, le privilège de l'individuel qui touche le concret de l'expérience de vivre, l'existence, contre les pesantes abstractions conceptuelles de "l'universel". Intellectuellement, pour contrer la métaphysique, il adopte la méthode de Husserl, il se fait phénoménologue. Examen et analyse des actes de conscience, réduire l'incertitude, fonder l'évidence : c'est là la quincaillerie de la production de vérités.

Mais il rencontre Heidegger sur son chemin. Voilà un autre genre de phénoménologue. Sartre part de l'expérience humaine de vivre, une vie individuelle, irréductiblement concrète et se battra toute sa vie contre l'aliénation de l'être de l'homme à l'Être, abstraction suprême. L'existentialisme prend le contre-pied de l'essentialisme, dont la pensée de Platon est l'archétype, celle de Heidegger l'achèvement ultime.

Les heideggeriens, acharnés, comme il y en a beaucoup en France, hallucinés, ne reconnaîtrons jamais cette critique, très simple au fond, trop simple ? Heidegger prétend dépasser la métaphysique en surenchérissant sur l'abstraction qui est le procédé métaphysique par excellence. C'est absurde, et risible, quand on y pense... Mais que doit faire un humain, concrètement, pour trouver grâce aux yeux de l'Être ? Poser ainsi la question nous fait voir, il me semble, immédiatement son absurdité. Sartre parle d'une totalisation, ou synthèse d'enveloppement, qui n'est jamais totalitaire, ou achevée.

Mais comme Marx reconnaissait que la dialectique idéaliste de Hegel digérait pas mal de matériel, Sartre admet que l'essentialisme de Heidegger ingère passablement de concret et décrit, thématise (fait entrer dans le domaine du commentaire philosophique) des pans entiers de l'expérience de vivre de l'homme moderne, aux prises avec la déshumanisation par la technique et la lancinante question du sens (de tout ceci, de la vie, de cette civilisation affolée qui ne s'organise pas pour durer...

Mais revenir au passé, retrouver une sorte authentique de "donation originaire" du "sens de l'Être" n'offre pas une solution intéressante ou progressiste, pour Sartre. Il reconnaît l'homme comme "condamné à la liberté", c'est-à-dire contraint d'inventer ses nouveaux chemins et pour cela il faut s'entendre et s'organiser pour construire l'avenir. L'être pour-soi, spontanément individualiste, devient collectiviste pour proposer et collaborer (à) des solution crédibles aux problèmes exacerbés.

Alors, pour bien lire Sartre, première chose, il faut se méfier des abstractions. À leur propos, Sartre se veut le plus simple possible, et tranchant. Comme pour Nietzsche, chez lui il n'y plus de place pour des "arrière-monde". Tout ce dont il s'agit est là, sous nos yeux, ou donné de quelque manière. Le pour-soi est mon expérience. Sartre nous invite toujours à vérifier en nous-mêmes pour sentir la véracité (ou non) de sa démonstration. Il se lance à la recherche de l'être, il découvre le néant, il cherche la durée, il trouve le temps fuyant, évanescent, complexe, problématique (les trois extases temporelles, etc.) il cherche la vérité et il tombe sur la liberté. C'est l'angoisse.

Il refuse la mauvaise foi, la complicité malsaine, il ne prend rien pour acquis. Sa réflexion apparemment théorique (truffée de notions et de concepts) est pétrie de morale. Il exige de son lecteur un engagement envers la recherche de la vérité en même temps qu'un parti-pris envers la solidarité humaine. Puisque la vérité n'est pas donnée, jamais toute faite (dogmes et religions sont à ce titre nuls et absolument non pertinents) il nous faut, humains, la faire ensemble, prouvant ainsi, du même coup, la vérité de notre être.

Je te lance ça comme ça me vient, ne sachant pas encore ce que tu veux savoir. En tout cas, prérequis: connaissance de base de la phénoménologie, comme méthode d'investigation de l'expérience. Ensuite, attention soutenue, une certaine culture littéraire on va dire classique est aussi utile sinon tout à fait nécessaire (Sartre fait constamment allusion aux grands auteurs, pas seulement français) goût de la réflexion, souplesse dialectique, ouverture au monde (compassion) et passion pour la liberté ou la vérité : finalement ces deux notions reviennent au même chez Sartre : quête infinie, ouverture, remise en question et critique perpétuelle. Interroge ton expérience.

Je te remercie de m'avoir fourni cette occasion de réactualiser ma perception de Sartre, l'homme, le penseur, déjà largement méconnu aujourd'hui. Si tu veux en savoir plus, il faudra m'en dire plus.

Tu peux aussi questionner ou commenter sur mes blogs, celui-là, dont je pense à changer le titre, ou sur les autres, selon ta fantaisie. J'utilise 6 blogs en fait, dont tu peux suivre les liens sur "Prégnances...

Alors, salut ! Bon courage et à bientôt, peut-être. Bien connaître Platon est un excellent point de départ. Je ne connais pas bien Schopenhauer, seulement ce qu'en dit Nietzsche. Mais en tout cas il ne suffit pas de lire, il faut aussi savoir réfléchir, se questionner en soi-même, sur soi-même. Question d'ouverture, disponibilité et talent, aussi.

Jacques Perreault

mercredi 1 décembre 2010

-------------- Attitude interrogative ? --- Angoisse ?

Questionner, se mettre en quête, sortir de soi, c’est l’errance. Peut-être sera-t-elle sans fin ? Questionner c’est errer, se mettre de travers, se fourvoyer dans l’erreur. À moins que la question revienne sur soi, opère un retour chez soi, sur elle-même, que la question porte sur elle-même, sur son être et sur l’être qui la porte, sur l’être du questionneur. Le questionneur se questionne sur son être, qui n’est pas essentiellement l’être de la question, puisqu’il réalise bientôt qu’il n’aurait jamais dû sortir de chez soi. Là où commence l’errance, virtuellement sans fin, de par le monde, par les premiers pas de la connaissance.

Ni la question ni l’angoisse qui me jette hors de moi, me fait courir les routes, de la douleur et de la peur, du besoin et du profit, les chemins sans fin de l’intérêt ; ni la question ni l’angoisse ne touchent à l’essence de mon être. Cette liberté qui se questionne et qui s’angoisse, elle est toute intérieure, immanente. Elle est à la source, non-savoir et par là même essence immédiate et pleinement réelle, être véritable.

La question de l’être est une duperie. La liberté qui s’angoisse, un épouvantail. La liberté qui reste chez elle réalise qu’elle ne s’était jamais quittée. Seulement peut-être un peu oubliée, de ci de là, dans des pérégrinations imposées, comme des épreuves qui ne prouvent rien. À l’épreuve de soi-même seulement l’on s’aperçoit que l’on a erré. Fini le temps errance, voici venu l’ivresse joyeuse qui demeure.

samedi 20 novembre 2010

été indien (or, A little bird named Yezi)

(Écrit sur mon balcon au soleil le mardi 16 novembre 2010.)

Nous vivons maintenant les plus belles journées d’un été indien tardif, cette année… qu’est-ce que je peux faire de toute cette splendeur? être réceptif d’abord, m’emplir à raz-bord de cette bénédiction. Je lève les yeux au ciel, évitant de défier le soleil du regard, il me crèverait les yeux, Apollon, de sa flèche assassine!

Tout est bleu sattvique, pas un nuage dans tout ce ciel où l’on respire comme une impression de liberté sans limite. L’air est léger, d’une toute petite fraîcheur, il coule naturellement et te dit qu’il est l’ami de tes poumons et sa visite fréquente, rythmée, répétée donne la vie, l’énergie de consumer dans la claire conscience et la joie et la peine et ce soleil qui me cogne sur le caillou comme un guru à ma porte. Il me dit qu’il peut lui aussi déjà brûler et purifier jusqu’aux scories attardées de mon âme, des poumons au sang clair, des poumons au cœur pur et du soleil jusqu’à l’âme la splendeur d’en-haut éclaire, stimule, éveille la splendeur d’en-bas qui se retrouvera comme le Soi, ouverture, image vivante, miroir cosmique, source de vie divine.

brûlent, brûlent les scories de mon âme

chante chante la chanson de la vie

car la Joie est Divine

un petit oiseau me l’a dit!



Dans ma méditation guillerette au soleil, des pensées poussent comme des légumes, beaux, grands, blancs, nourrissant, avec des fleurs de toutes les couleurs, et en cet instant de sérénité, les malheurs du monde ne m’atteignent pas (qu’il se suffise à lui-même, le monde, et je suivrai mon chemin) — Se dit la part en moi du penser égoïste — dans les rivières de vérité, plusieurs ruisseaux coulent en même temps.

Puisque j’en ai ces jours derniers cruellement manqué, je fais le plein de toute cette joie offerte et mon cœur dilaté chante, avec ce petit oiseau que j’ai dit (petit oiseau nommé Yezi).

lundi 15 novembre 2010

moment

Il y a un bon moment que je n'avance plus dans le domaine de la pensée. En ce domaine, comme en quelques autres, c'est un peu le marasme. J'ai essayé d'avancer dans l'écriture, avec des résultats aussi prolixes qu'indécis. La redécouverte de l'Amour a été une terrible épreuve et dont je suis ressorti meurtri, pas grandi, mais avec un sens renouvelé du sérieux de l'existence.

Je crois que la piste Michel Henry sera à prospecter et une approche aussi plus mystique des grands problèmes. Pour cela il faut regagner la position inimitable d'un cœur pur.

Il me faut encore une fois passer par une période de profonde introspection pour redéfinir ma stratégie. Tout particulièrement ce blog en souffre et je demande aux lecteurs de me pardonner. Je vous invite quand même, peut-être par acquit de conscience, de faire le tour de mes autre blogs, pour voir... eh puis, pour le moment, ce que je dis c'est "À bientôt, j'espère! ... "

mardi 2 novembre 2010

Citation du Dalai Lama --- distinction éthique / spirituel (acte)

Ethics for the new Millennium

Ch. 4 Redefining the Goal (pp. 49 à 62)

There is thus an important distinction to be made between what we might call ethical and spiritual acts. An ethical act is on where we refrain from causing harm to others' experience or expectation of happiness. Spiritual acts we can describe in terms of those qualities mentioned earlier of love, compassion, patience, forgiveness, humility, tolerance, and so on which presume some level of concern for others’ well-being. We find that the spiritual actions we undertake which are motivated not by narrow self-interest but out of our concern for others actually benefit ourselves. And not only that, but they make our lives meaningful. At least this is my experience. Looking back over my life, I can say with full confidence that such things as the office of Dalai Lama, the political power it confers, even the comparative wealth it puts at my disposal, contribute not even a fraction to my feelings of happiness compared with the happiness I have felt on those occasions when I have been able to benefit others.
Does this proposition stand up to analysis? Is conduct inspired by the wish to help others the most effective way to bring about genuine happiness? Consider the following. We humans are social beings. We come into the world as the result of other’s actions. We survive here in dependence on others. Whether we like it or not, there is hardly a moment of our lives when we do not benefit from others’ activities. For this reason, it is hardly surprising that most of our happiness arises in the context of our relationships with others. Nor is it so remarkable that our greatest joy should come when we are motivated but concerns for others. But that is not all. We find that not only do altruistic actions bring about happiness, but they also lessen our experience of suffering. Here I am not suggesting that the individual whose actions are motivated by the wish to bring others’ happiness necessarily meets with less misfortune than the one who does not. Sickness, old age, and mishaps of one sort or another are the same for us all. But the sufferings which undermine our internal peace –anxiety, frustration, disappointment—are definitely less. In our concern for others, we worry less about ourselves. When we worry less about ourselves, the experience of our own suffering is less intense.
What does this tell us? Firstly, because our every action has a universal dimension, a potential impact on others’ happiness, ethic is necessary as a means to ensure that we do not harm others. Secondly, it tells us that genuine happiness consists in those spiritual qualities of love and compassion, patience, tolerance, forgiveness, humility and so on. It is these which provide happiness both for ourselves and for others.

Here was on pages 61-2 from Ethics for the new Millenium by His Holiness The Dalai Lama, Copyright 1999, at Riverhead Books, member of Penguin Putnam Inc. 375 Hudson Street, New York, NY 10014 ISBN 1-57322-025-6

samedi 30 octobre 2010

permière neige

première neige

il faisait froid et les rapports météo annonçaient de la pluie nous en avons eu en après-midi mais en soirée ce fut la première neige cela se voit rarement en octobre ici à montréal je me souviens d’un mi-octobre il y a 18 ans mais c’était à Saint-Jérôme où j’enseignais en ce temps-là je me souviens d’avoir appelé vivi en soirée après mon cours lui disant que je l’aimais et que je lui souhaitais une bonne soirée sans moi puisque je devais rester à coucher dans une petite chambre d’hôtel miteuse pour être sur place pour mon cours du lendemain matin ce n’étais pas un temps béni puisque j’y souffrais un stress énorme de l’insomnie et subissais une sorte d’atmosphère étrangement maléfique je me souviens en particulier de l’énorme insecte qui avait échoué dans le calorifère mort mais quand même il m’avait terrorisé toute la nuit au matin j’étais livide que je me suis relevé pour aller donner mon cours je ne fonctionnais qu’à la résistance nerveuse et je m’étais quand même pas si mal débrouillé mais au long retour en autobus cet après-midi là ensoleillé j’étais épuisé et déjà pratiquement sur le point d’abandonner tous mes efforts ne portant pas fruit pour me replacer dans la vie professionnelle je n’ai jamais vraiment été ambitieux plusieurs fois je me suis laissé dépouiller de mes chances de mon bien ce billet de loto par exemple qui devait me rapporter plus de 200 000 dollars je me le suis laissé subtiliser par la caissière en fin de soirée épuisé déprimé au jean-coutu venu renouveler mes médicaments je devrais être bien plus révolté mais je suis surtout négligent paresseux et peureux je préfère le calme la paix même si elle n’est pas toujours bien honorable je ne suis pas le guerrier qu’il aurait fallu pour réussir à me tenir sur la brèche du combat pour l’existence pour un amour un foyer plus jeune constituer une famille dès le début pratiquement je savais que viviane était une voie de garage je n’aurais pas à me battre contre le monde pour conserver notre bonheur elle-même s’en chargeait à meilleurs frais avec une sorte d’aide clandestine qu’elle obtenait comme toujours à point nommé puis notre bonheur se tirait dans le pied quand on se gâchait au moins une soirée par semaine cela en serait bientôt fini de la fête tous les soirs dont nous étions si fiers elle est restée secrète et prétend tout savoir de moi m’espionnant même me neutralisant socialement et politiquement surtout et alors je sens que je ne lui dois rien puis quand nous nous sommes revus et surtout ces dernières années je voyais que j’étais brusque et amer très peu tolérant envers elle facilement agacé par se quelques manies alors j’ai vu que j’avais beaucoup de ressentiment contre elle accumulé au fond de moi nous nous sommes vues la dernière fois cela fait bien six mois au printemps elle m’avait coupé les cheveux cet automne il y a deux semaines je me ne suis coupé moi-même mais presque rasés très courts avec le ciseau quelque part en moi je continue de l’aimer comme j’ai pu l’aimer et comme j’aime toujours fidèle à mes meilleurs souvenirs comme je continue d’aimer tous ceux celles surtout que j’ai un jour aimés mais j’ai aussi beaucoup de reproches que je lui adresse intérieurement et j’ai de la haine en partie inconsciente et je m’en aperçois quand je vois combien je suis intolérant trop de choses subies que je ne veux plus que je ne peux plus endurer je vais me coucher tôt ce soir je vois que je n’ai rien à gagner en restant en éveil cette solitude m’est devenue habituelle maintenant le temps s’écoule quand même plutôt rapidement