mardi 28 juillet 2009

invisible, imperçu... inaperçu

Une chose est sûre, une théorie de la subjectivité ne pourra jamais faire l'économie d'une sérieuse et profonde explication avec la découverte de l'inconscient.

Merleau-Ponty avait commencé à s'en rendre compte avant la fin abrupte de sa vie. Il est parti d'un malaise face aux oppositions tranchées d'un Sartre pour éprouver de plus en plus l'insuffisance des philosophies de la conscience.

Dur de travailler profond et concentré dans la chaleur d'été, qui m'affecte tout particulièrement. Force m'est d'avouer que je préfère, pour tout jour, l'hiver. En quoi je suis un vrai Canadien.

Je vais lire du Merleau-Ponty et vous communiquer bientôt mes conclusions. Je commence à croire que la phénoménologie est une sorte, relativement bénigne, de psychose de professeurs universitaires.

Heidegger est un salaud, en tout cas, qui me sort par les trous de nez. Je sais que je devrai, là-dessus, mieux m'expliquer.


(élaboration à venir prochainement)

vendredi 17 juillet 2009

Meschonnic sur Heidegger

Dans Le langage Heidegger (PUF écriture, 1990), p. 47-48.

>>L'essentialisation tient ensemble le poème avec le politique. Héros de la pensée, anti-héros dans le privé. Heidegger file l'oxymore. Il est une oxymore. (...) Rationalité englobante, substitutive, élusive, permettant l'alléguer le politique sans s'y commettre directement, au lieu du rapport direct au politique affronté par Sartre, l'essentialisation permet de tenir ensemble tous les contraires dans la position la plus confortable, celle de la supériorité. Avec les aires de la modestie la plus humble. Voyez Qu'appelle-ton penser ? Le plus grand narcissisme. Participer au mystère de l'Etre. A la fois la pensée, et le dépassement de la philosophie. Qui passe aussi par son dénigrement et sa dénégation. D'où, à la française, un débordement de la philosophie. Et dans le discours littéraire, des mélanges, qui sont toute l'époque.

>>L'effet Heidegger à la française a tenu aussi à la conjonction, propre à la France, des effets Blanchot, Barthes, Lacan. Et Saint-John Perse. Ils ont communié dans une sacralisation de l'écriture, une dénégation du métalangage, une prosopopée de la vérité, celle-ci placée dans l'imitation de l'origine, chez Lacan et la suite, par le jeu des mots. Poétisant la philosophie. Faisant du diffèrement l'exercice du questionnement. Pendant que la poésie était devenue poésie de la poésie; le roman, roman du roman; le cinéma, film du film. L'effet Heidegger s'est fondu à ces effets de langage et de culturel. Il y a contribué, comme eux s'en renforçaient. Le ludique a remplacé la recherche de la vérité. Les formes à la française du jargon de l'authenticité.

>>Que depuis quelque temps l'éthique redevienne à la mode montre, dans la confusion inévitable, la mêlée -- personne n'est au-dessus -- que l'époque change. Le sujet, que Heidegger empêche de penser, que le structuralisme empêchait de penser, revient avec d'autant plus de force.

>>Les effets d'amplification des médias sont aussi des fixations, en plus qu'ils sont des vulgarisations. Fixation de ce qu'il est est reçu d'entendre, de lire, de voir. Pas de lieu pour le reste. Les épigones s'accrochent aux positions acquises. Ils ont plus à perdre que le héros éponyme. Puisque par eux-mêmes ils ne sont rien. Dès qu'on veut penser ailleurs, ils crient qu'on va cesser de lire Heidegger. Cesser, non , mais lire autrement.

>>Entre-temps, se sentant menacés, les disciples essayaient de se rassurer. Publiaient et republiaient que rien n'avait changé. Gadamer aussi continue la même pensée de la technique. Tient à sauver du nazisme "un homme excellent comme Heidegger" (dans le compte-rendu du "Colloque" de Heidelberg qui réunissait Derrida, Lacoue-Labarthe et Gadamer. Ni Bourdieu, ni Farias n'étaient présents, Le Monde, 9 février 1988, p. 18.). Or maintenir la "question de la technique" dans son état Heidegger, c'est maintenir tout Heidegger. Et sa pensée du national-socialisme. Heidegger ne se monnaye pas.<<

jeudi 9 juillet 2009

La leçon de Merleau-Ponty

Il serait peut-être intéressant de revenir à la pensée de Maurice Merleau-Ponty. Je ne l'ai jamais beaucoup lu. J'avais exécré, quand je l'avais lue au début des années 80, sa critique, à mes yeux injuste, du radicalisme politique de Sartre dans Les aventures de la dialectique.

Mais c'est un phénoménologue français important et qui a fait école ; et sa pensée se retrouve encore aujourd'hui peut-être un peu mieux enracinée dans les études universitaires que celle de son rival de naguère et pourtant jadis camarade et compagnon de combat.

--"Si le désaccord avec Sartre perce déjà par endroits avant la publication de L'Être et le Néant, et devient plus manifeste dans les pages de la Phénoménologie de la perception consacrées à la liberté, ce sont surtout les inédits de la fin des années quarante qui préparent la sévérité et les audaces d'une critique qui éclatera au grand jour à partir des Aventures de la dialectiques." (*)


Ce désaccord porterait essentiellement sur le statut du néant. Chez Sartre les oppositions apparaissent nettement tranchées, prélude à un combat éternel, dans le style des Blancs et des Noirs aux échecs, source d'empoignades infinies... Merleau-Ponty, dans son opposition de plus en plus affirmée, affirmative, élabore la notion de la chair, qui, selon lui, incarne comme tourments et empiètements, les oppositions qui semblent ultimes pour la conscience rationaliste du moi mais qui sont médiatisées et dépassées positivement dans le flot de la vie personnelle.

Il ne suffit pas de dire que le néant surgit porté sur l'être, comme le fait Sartre, pour échapper à la critique d'essentialisme et d'intellectualisme, voire d'idéalisme, mais il faut aussi montrer comment ces néantisations circonstancielles se produisent du sein même de l'être-au-monde et de l'expérience d'être, dans la substantialité à la fois active et passive de la chair, notion donc qui tente de saisir tout le domaine éprouvé et senti de l'incarnation, dernier mot de la corporalité ou corporéité ? Comment mieux expliquer la sensation d'être un corps ?

L'enjeu est de taille au niveau d'une propédeutique philosophique de la question du sujet parce que le soupçon se fait jour que la dialectique serait, en tant que logique de la contradiction, c'est-a-dire des affrontements contradictoires, qui ne sont qu'exceptionnellement les problèmes cruciaux de la vie, soit dans le domaine humainement délimité par l'histoire, tout à fait inapte à faire progresser l'investigation dans le domaine de l'ontologie.

Le deuxième Sartre, en rompant avec la tentative de l'ontologie phénoménologique, aurait pris acte de cela, dans CRD. L'organisme pratique, support de la praxis, n'est pas le pour-soi de EN et est incommensurable avec lui.

La liberté, dans le domaine de l'incarnation, spécialité sensible de la situation de corporéité matérielle, serait l'expérience et les limites d'un pouvoir-être autrement et qui du sein de l'être pourrait néanmoins apporter du changement. En corollaire, on ne peut pas sensiblement parler de l'amour dans la logique oppositionnelle du moi rationaliste et donc volontariste.
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* in Maurice Merleau-Ponty, Hermann éditeurs, Philosophie, 2008, 458p., citation tirée de l'Introduction par Emmanuel de Saint Aubert, p. 11, note 2. "Tout se passe ainsi comme si sa lecture de Descartes entrecroisée avec celle de Husserl et de Heidegger (...) avait destiné Merleau-Ponty à tenter d'établir, sur le terrain même de la philosophie, la primauté de "l'usage de la vie" sur les dichotomies établies par l'entendement." id. p. 88 (Le soi incarné -Merleau-Ponty et la question du sujet, par Maria Villela-Petit, pp. 79 à 123).