Sartre a tout simplement radicalisé l'idée fondamentale de la phénoménologie, l'intentionnalité. Selon Sartre, tout est intention la part du sujet, intentionnel de par la conscience, intentionnalité dans la réalité humaine.
Simple et radicale, sa proposition et intervention, dans le domaine de la pensée et spécialement dans le champ philosophique spécial de la théorie du sujet, n'en est que plus difficile à suivre. Beaucoup résistent et disent : "Non mais... il exagère!" On résiste à cette radicalité, je résiste, ça résiste...
Et il faudrait peut-être faire une théorie de l'inconscient pour expliquer toutes ces résistances. Mais Sartre n'a cure de cette exigence qu'il repousse comme un cercle carré, une contradiction dans les termes, une impossibilité de principe. Comment du point de vue du conscient faire la théorie de ce qui par principe voire totalement lui échappe ?
Domaine sensible de la Metaphysica specialis ou Psychologie, ou encore Geisteswissenschaften (qui se sont par la suite différentiées en dites "Science Humaines") selon les anciennes divisions, qui ne se dépêtraient pas de la filiation théologique voire du mandement mystique.
Mais l'approche phénoménologique bouleverse ces traditions et veut provoquer la fusion des problématiques de la métaphysique générale avec la métaphysique spéciale qui est celle du sujet. Le phénoménologue se lance à la recherche d'une continuité ontologique par-delà la dualité constatée du cosmos et de l'homme.
Le penseur moderne prend acte de la multiplicité des perspectives vitales sur le monde de la volonté de puissance, à la suite de Nietzsche, intègre les récents résultats de la recherche scientifique et réorganise l'appareillage conceptuel, de même que la structure de rationalité devant correspondre au monde de la relativité générale et restreinte.
Le silence de ces espaces infinis ne nous effraie plus. Peut-être déjà parce que nous avons appris à écouter ce cosmos, son quantique éternel aux variations virtuellement infinies. À moins que cela ne soit plus son quantique virtuellement infini avec ses variations éternelles...
Observant lucidement cette profusion, aux possibilités définies, l'homme du troisième millénaire cherche à mieux connaître sa niche mais aussi à l'étendre dans ce cosmos. Simultanément cela relance l'urgence d'approfondir la connaissance de soi-même.
Comment, pour ce faire, plonger dans les profondeurs sombres, informulées, obscures ? Il y faut la puissance de déduction d'un Sherlock Holmes, un sens aigu d'observation, une structure spéculative informée, des techniques d'investigation dignes de ce "roman noir".
Nous sommes tous complices du crime, dit Sartre, et nous devons tâcher de regagner la possibilité de la réflexion pure. Même l'inconscient est intentionnellement caché, il se dérobe et pour cause! Mais on ne sait pas exactement laquelle... Pour Sartre il ne s'agit pas d'un envers de la conscience mais d'un implicite, que l'on peut retrouver en se questionnant sur les fins, sans dérobade.
L'intégrité d'un sujet touche à la mise en question de son projet originel d'être. Être, mais quoi ? Être, mais en vue de quoi ? Et l'idéalisme phénoménologique est en trajectoire de collision avec le scepticisme psychanalytique.
Alors, à quand une théorie matérialiste, voire scientifique, de la subjectivité du sujet ? Est-ce même une bonne manière de poser la question d'une connaissance satisfaisante du fait d'être humain ?
Car la recherche d’une théorie matérialiste du sujet ne saurait simplement se satisfaire d’une réduction de la conscience aux conditions matérielles de son existence. Ainsi l’on retomberait dans les pires erreurs du marxisme dogmatique voire du stalinisme, et c’est évidemment un attitude à proscrire absolument.
Par ailleurs cette science serait en elle-même paradoxale, car elle n’est pas objective, et tout d’abord parce que son objet lui-même n’est pas de nature intégralement objectivable. Il faut donc une théorie souple de la conscience, qui permette d’expliquer les phénomènes remarquables qui s’y produisent et qui laisse place au domaine autoréférentiel, à des facultés évoluées comme l’autoréflexion et la compréhension, qui n’est pas de même nature que l’intellection.
Celle-ci relève de l’intellectualisme alors que celle-là fait appel à la sensibilité de l’être sentant et non pas seulement pensant, aux connexions multiples dans un effort de totalisation, pondérant une riche culture, nécessaire, subtile et complexe pour se mettre en mesure de resituer tout fait humain, tout phénomène dans le contexte plus large d’une culture elle-même située dans son moment spécifiquement historique.
La science du sujet devra être elle-même historique et dialectique.
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mercredi 16 mars 2011
mercredi 9 mars 2011
cesser d'agir c'est cesser d'être
Depuis quelques temps, cette pensée m'obsédait. Sa formulation est claire. Trop ? Provocatrice... D'une bonne dose de réflexion en tout cas.
" Ainsi la réalité-humaine n'est pas d'abord pour agir, mais être pour elle, c'est agir et cesser d'agir, c'est cesser d'être. " (L'Être et le Néant, éd. Gallimard, collection TEL, p. 533)
Ici le "bénéfice secondaire" de ma névrose, il tient au fait que dans cette situation de blocage du désir, et tant qu'elle perdure, je puis me considérer comme étant dans une sorte de convalescence. Ce qui me permet de flatter mon premier penchant qui est pour la paresse, ainsi que la recherche, surtout de manière passive et évitante, d'une certaine quiétude.
Hier pourtant j'ai tenté de défier ce triste destin, en abordant cette jeune femme pour tenter d'initier une relation avec elle. C'était une émotion très forte, l'adrénaline battait son plein et j'avais les jambes non seulement flageolantes, ça tremblait très fortement au-dessous des genoux. Une très étrange sensation.
Je pourrais peut-être (re)devenir une sorte de Don Juan, si seulement je devenais "addict" (dépendant) de cette sorte de sensation et d'émotion. L'impression en tout cas de vivre intensément l'instant. L'exaltation de la conquête ? Mais pour moi dans ce cas-ci je crois bien que c'était la peur panique d'être, de me trouver, de me présenter nu et comme sans défense, ouvert et en proposant une ouverture d'amour et/ou d'amitié à une jeune femme et offert sans recours possible à la disposition, au jugement, acceptation ou rejet, devant le jugement d'autrui, finalement. Instantané et sans appel.
Peur du rejet. Peur du rejet ? La peur du rejet, devenu panique, pratiquement incontrôlable, à cause des blessures (narcissique) du passé aux traumatismes conservés vivants, non guéris, toujours saignants dans les méandres inconscients de la mémoire affective. C'est par la répétition et la réactivation de ces affects blessés que je suis devenu une personnalité évitante dans la vie civile. Un piètre citoyen. Mais il y a eu dès les débuts l'instauration d'un terrain favorable à ce type de névrose.
Je prétends que cela vient de la transmission caractérielle, génétique, donc, mais pas seulement, de la personnalité inquiète de mon père, tourmenté, irrité lui déjà d'une angoisse et névrose de rejet. Mais je prétends aussi qu'il a renforcé cette transmission génétique par le chaos qu'il a semé dans mes émotions par ses agirs dès les interactions au berceau. Cela se passait même avant l'âge de deux ans. Sous prétexte de jouer avec le jeune enfant, son premier fils, il le terrorisait.
Cela n'est pas exceptionnel. Je suis conscient que pratiquement tout le monde pourrait parler de tels sortes de traumatismes subis dans quelque part, tôt ou plus tard, dans leur histoire personnelle. Rarement le fait-on d'ailleurs. Je suis peut-être trop sensible. Mais le travail de l'écrivain comme du penseur, comporte, j'en suis convaincu une grande part d'expressivité. Et je ne suis pas du genre, courageux sur cet aspect, à me cacher derrière d'abstraites théories, mensongères déjà lorsque abstraites. Non pas vérités universelles mais détachées de tout contexte.
Alors je me dis que je ne cesse pas d'agir, ni, donc,d'être, tant que je cherche à comprendre, me guérir, réagir ! Tant que je veux toujours continuer de vivre, à croître et à croire, je peux toujours tâcher de me mettre en mesure de (re)devenir moi-même, de me régénérer et de tenter, comme tout le monde, de m'équivaloir, ou me hausser au niveau de mon propre destin.
Ce printemps encore me ramène à l'optimisme. Je nomme plus précisément l'optimisme existentiel de Sartre. Il demeure fondamental, à côté de tant d'autres thèmes plus sombres, qu'ils soient théâtraux ou tenant d'une implacable lucidité. Je retiens de lui cette phrase, en particulier, disant : " on peut toujours faire quelque chose de ce que l'on a fait de nous. "
C'est ainsi que le pour-soi se reprend, puisqu'il a à se faire être, à assumer son être. Libre, il est responsable et se refait, praxis ou autrement. (Poiesis, interne mini-praxis ? comment faire autrement ?)
Un jugement dur donne l'impression que Sartre n'a fait d'abord qu'une théorie (idéaliste ou volontariste) de la liberté pour artiste, créateur... et encore, écrivain ! Sartre a fait une théorie de la liberté pour les écrivains ! Et quelque part cette critique conserve tout son sens.
Mais l'écrivain est un homme dans une situation un peu faussement privilégiée. C'est un homme comme un autre, taboire ! (Juron québécois, pardon. Note de la rédaction) Le sens intime, même illettré, se débat et se reprend avec de possibles accès de (trans)lucidité. Je persiste à croire que bien comprise, la théorie du sujet qui se dégage des écrits de Sartre est toujours pertinente à la compréhension et explication de la réalité-humaine.
" Ainsi la réalité-humaine n'est pas d'abord pour agir, mais être pour elle, c'est agir et cesser d'agir, c'est cesser d'être. " (L'Être et le Néant, éd. Gallimard, collection TEL, p. 533)
Ici le "bénéfice secondaire" de ma névrose, il tient au fait que dans cette situation de blocage du désir, et tant qu'elle perdure, je puis me considérer comme étant dans une sorte de convalescence. Ce qui me permet de flatter mon premier penchant qui est pour la paresse, ainsi que la recherche, surtout de manière passive et évitante, d'une certaine quiétude.
Hier pourtant j'ai tenté de défier ce triste destin, en abordant cette jeune femme pour tenter d'initier une relation avec elle. C'était une émotion très forte, l'adrénaline battait son plein et j'avais les jambes non seulement flageolantes, ça tremblait très fortement au-dessous des genoux. Une très étrange sensation.
Je pourrais peut-être (re)devenir une sorte de Don Juan, si seulement je devenais "addict" (dépendant) de cette sorte de sensation et d'émotion. L'impression en tout cas de vivre intensément l'instant. L'exaltation de la conquête ? Mais pour moi dans ce cas-ci je crois bien que c'était la peur panique d'être, de me trouver, de me présenter nu et comme sans défense, ouvert et en proposant une ouverture d'amour et/ou d'amitié à une jeune femme et offert sans recours possible à la disposition, au jugement, acceptation ou rejet, devant le jugement d'autrui, finalement. Instantané et sans appel.
Peur du rejet. Peur du rejet ? La peur du rejet, devenu panique, pratiquement incontrôlable, à cause des blessures (narcissique) du passé aux traumatismes conservés vivants, non guéris, toujours saignants dans les méandres inconscients de la mémoire affective. C'est par la répétition et la réactivation de ces affects blessés que je suis devenu une personnalité évitante dans la vie civile. Un piètre citoyen. Mais il y a eu dès les débuts l'instauration d'un terrain favorable à ce type de névrose.
Je prétends que cela vient de la transmission caractérielle, génétique, donc, mais pas seulement, de la personnalité inquiète de mon père, tourmenté, irrité lui déjà d'une angoisse et névrose de rejet. Mais je prétends aussi qu'il a renforcé cette transmission génétique par le chaos qu'il a semé dans mes émotions par ses agirs dès les interactions au berceau. Cela se passait même avant l'âge de deux ans. Sous prétexte de jouer avec le jeune enfant, son premier fils, il le terrorisait.
Cela n'est pas exceptionnel. Je suis conscient que pratiquement tout le monde pourrait parler de tels sortes de traumatismes subis dans quelque part, tôt ou plus tard, dans leur histoire personnelle. Rarement le fait-on d'ailleurs. Je suis peut-être trop sensible. Mais le travail de l'écrivain comme du penseur, comporte, j'en suis convaincu une grande part d'expressivité. Et je ne suis pas du genre, courageux sur cet aspect, à me cacher derrière d'abstraites théories, mensongères déjà lorsque abstraites. Non pas vérités universelles mais détachées de tout contexte.
Alors je me dis que je ne cesse pas d'agir, ni, donc,d'être, tant que je cherche à comprendre, me guérir, réagir ! Tant que je veux toujours continuer de vivre, à croître et à croire, je peux toujours tâcher de me mettre en mesure de (re)devenir moi-même, de me régénérer et de tenter, comme tout le monde, de m'équivaloir, ou me hausser au niveau de mon propre destin.
Ce printemps encore me ramène à l'optimisme. Je nomme plus précisément l'optimisme existentiel de Sartre. Il demeure fondamental, à côté de tant d'autres thèmes plus sombres, qu'ils soient théâtraux ou tenant d'une implacable lucidité. Je retiens de lui cette phrase, en particulier, disant : " on peut toujours faire quelque chose de ce que l'on a fait de nous. "
C'est ainsi que le pour-soi se reprend, puisqu'il a à se faire être, à assumer son être. Libre, il est responsable et se refait, praxis ou autrement. (Poiesis, interne mini-praxis ? comment faire autrement ?)
Un jugement dur donne l'impression que Sartre n'a fait d'abord qu'une théorie (idéaliste ou volontariste) de la liberté pour artiste, créateur... et encore, écrivain ! Sartre a fait une théorie de la liberté pour les écrivains ! Et quelque part cette critique conserve tout son sens.
Mais l'écrivain est un homme dans une situation un peu faussement privilégiée. C'est un homme comme un autre, taboire ! (Juron québécois, pardon. Note de la rédaction) Le sens intime, même illettré, se débat et se reprend avec de possibles accès de (trans)lucidité. Je persiste à croire que bien comprise, la théorie du sujet qui se dégage des écrits de Sartre est toujours pertinente à la compréhension et explication de la réalité-humaine.
vendredi 28 janvier 2011
Table rase
Sartre part de l'intuition de l'existence, redécouverte à partir d'un dépouillement de la perception d'un existant brut, indifférent. C'est sa table rase à lui, le geste fondateur qui inaugure le domaine de sa pensée. il postule le sentiment correspondant de la Nausée. C'est le sentiment de dégoût, celui de découvrir la futilité de toues les entreprises humaines en face de l'absolue contingence de l'existant brut et découlant d'une émotion débordante, une sorte d'ivresse désagréable lors de l'expérience de cette "révélation", extase négative d'une découverte qui fait basculer le sens de la pertinence de toute construction subjective.
Le psychisme en proie à cette expérience, qui serait celle de la révélation de l'être perçu, en situation du fait d'être dans le monde des étants, selon Sartre, est fortement ébranlée et perd, en quelque sorte, tout ses repères au risque de sa consistance. Il réalise la faiblesse ridicule des manœuvres psychologiques de justification du sens ou de la pertinence des conduites humaines en face de l'intensité perçue du fait brut, facticité de l'être.
Cette expérience traumatisante est à la source de l'intuition de la "réflexion pure et non complice", qui affleure de loin en loin dans toute l'œuvre de Sartre mais qui est sa source secrète d'énergie. La Nausée est l'expérience originaire qui conduit à la découverte de la réflexion pure, sorte de matière première phénoménologique que cette réflexion est seule à même de thématiser. Révulsion au contact nu de l'être, ce volcan alimente comme la peur la fuite réflexive qui tente de restaurer la consistance mise à mal du psychisme. Mise à nu de la futilité de toute justification, excuses impuissantes et qui mène au refus de complicité avec les entreprises mondaines.
Cette émotion contrôlée, évitant la panique qui mène à la psychose, la côtoyant tout de même d'assez près, c'est ce qui donne à cette réflexion cette sorte spéciale d'allant qui séduit le lecteur empathique de Sartre. Réflexion pure constamment alléguée et qui forme la marge active en bordure de la pensée sartrienne.
C'est pourquoi je te conseille, Julien, de lire le premier roman de Sartre, La Nausée. Imprègne-toi bien de ce texte, tâche d'en comprendre tous les tenants et aboutissants, essaye d'éprouver et de réaliser cette expérience par toi-même. Je crois que tu t'assureras, ainsi, d'un point de départ pour sauter dans la réflexion sartrienne, mais il faut aussi lire La transcendance de l'Ego, tout de suite après La Nausée, et aussi un court texte, un peu difficile à trouver mais important : Esquisse d'une théorie des émotions (éd. Hermann), pour bien comprendre la teneur substantielle de son enquête d'ontologie phénoménologique telle qu'elle est exposée dans L'Être et le Néant.
Le psychisme en proie à cette expérience, qui serait celle de la révélation de l'être perçu, en situation du fait d'être dans le monde des étants, selon Sartre, est fortement ébranlée et perd, en quelque sorte, tout ses repères au risque de sa consistance. Il réalise la faiblesse ridicule des manœuvres psychologiques de justification du sens ou de la pertinence des conduites humaines en face de l'intensité perçue du fait brut, facticité de l'être.
Cette expérience traumatisante est à la source de l'intuition de la "réflexion pure et non complice", qui affleure de loin en loin dans toute l'œuvre de Sartre mais qui est sa source secrète d'énergie. La Nausée est l'expérience originaire qui conduit à la découverte de la réflexion pure, sorte de matière première phénoménologique que cette réflexion est seule à même de thématiser. Révulsion au contact nu de l'être, ce volcan alimente comme la peur la fuite réflexive qui tente de restaurer la consistance mise à mal du psychisme. Mise à nu de la futilité de toute justification, excuses impuissantes et qui mène au refus de complicité avec les entreprises mondaines.
Cette émotion contrôlée, évitant la panique qui mène à la psychose, la côtoyant tout de même d'assez près, c'est ce qui donne à cette réflexion cette sorte spéciale d'allant qui séduit le lecteur empathique de Sartre. Réflexion pure constamment alléguée et qui forme la marge active en bordure de la pensée sartrienne.
C'est pourquoi je te conseille, Julien, de lire le premier roman de Sartre, La Nausée. Imprègne-toi bien de ce texte, tâche d'en comprendre tous les tenants et aboutissants, essaye d'éprouver et de réaliser cette expérience par toi-même. Je crois que tu t'assureras, ainsi, d'un point de départ pour sauter dans la réflexion sartrienne, mais il faut aussi lire La transcendance de l'Ego, tout de suite après La Nausée, et aussi un court texte, un peu difficile à trouver mais important : Esquisse d'une théorie des émotions (éd. Hermann), pour bien comprendre la teneur substantielle de son enquête d'ontologie phénoménologique telle qu'elle est exposée dans L'Être et le Néant.
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lundi 17 janvier 2011
Penser ? Vivre !
Cette année de transition est pour décider, organiser et construire une nouvelle orientation.
Maintenant, cependant, ma pensée continue de subir une sorte de dissociation. D’un côté je souscris au matérialisme dialectique bien compris. Je me réfère au fameuses thèses sur Feuerbach où se trouve l’intuition marxienne fondatrice en sa cristallisation naissance (in statu nascendi) et ce dispositif de pensée ne se préoccupe strictement que de travailler efficacement sur ce plan d’immanence.
D’un autre côté, par le truchement d’une sorte d’intuition sur l’infini, avec une communication non limitée par les cadres logiques de la science matérialiste avec l’univers, sa vibration fondamentale, que l’on peut continuer, si l’on veut de choisir de nommer Dieu Créateur, je fais appel à une PRATIQUE d’une sorte d’effusion mystique, qui me semble pouvoir compléter le côté strictement limité de l’approche du matérialisme historique et dialectique. Yoga aurobindien, teinté de taoïsme…
Habituellement je ne ressens pas très fortement cette contradiction comme un problème. Avec le vieillissement, malheureusement plus que la maturation dont j’aimerais me targuer… je me suis désengagé des luttes et l’issue politique est vécue par moi d’une manière moins urgente. Mais au plan de la cohérence de la pensée, et donc de la pratique, comme de la sensation et la construction de l’engagement existentiel, je ne peux pas ne pas éprouver quelques tiraillements…
Alors je me débrouille avec une sorte de bricolage poétique où je m’imagine qu’il faille deux ailes à l’oiseau (de ma pensée, que dis-je, de mon être!) pour voler. Voler! et non plus simplement marcher… Remarque que cela serait déjà pas mal… Mon pas seulement le savoir et l’imaginaire, non pas seulement l’essai et le poème, non pas seulement la raison et le cœur, non pas seulement le corps sensible et l’âme désirante, mais encore, la pensée critique et l’envol spéculatif, l’esprit de lourdeur du « sens de la terre! » ! auquel nous conviait Nietzsche et l’expérience immanente d’une transcendance, sentie comme fusion intérieure et effusion à l’infini.
Alors, il ne s’agit pas seulement de résorber cette contradiction en conciliant les contraires. Il s’agit de la dynamiser et d’en faire l’unité éprouvée d’un chemin. D’où mon intérêt renouvelé pour les pensées orientales, toutes plus intéressantes les unes que les autres, dans l’accès qualitatif… mais en contradiction avec l’approche marxienne, que je ne veux pas abandonner.
Comment penser sainement quand on appartient à une civilisation très malade et en participant, même le moins possible, à des sociétés déséquilibrées ? C’est tout un travail et cela exige peut-être plus, probablement, que la meilleure des expertises philosophiques. Le grand rôle du philosophe comme « médecin de la civilisation » est sérieusement mis à mal quand celui-ci, sujet social chevillé à sa finitude délabrée est emporté par la même maladie.
Les choses en sont venues au point où l’on s’aperçoit que cette civilisation n’a cure de durée. Elle est bien évidement condamnée à disparaître très rapidement. C’est la motivation première de mon intérêt pour les civilisations chinoises et indiennes : elles s’inscrivent dans une durée plus longue, significative et en particulier la civilisation chinoise entretiens explicitement la volonté de projets qui se déroulent sur des millénaires. Je ne vois pas ce qui pourrait l’empêcher de prendre progressivement le contrôle et de présider au destin de la planète pour une longue époque qui verra l’expansion de l’espèce humaine vers les plus prochaines étoiles.
La pensée marxienne est saine mais limitée. J’observe comment les Chinois s’en sont emparés mais la complètent par leurs croyances spécifiques. Mais l’homme chinois est très différent de l’homme occidental. La structure psychique est difficilement comparable. L’organisation des croyances, la place de la logique (naturellement dialectique!), l’importance des connaissances est spécialement déroutante pour un esprit cartésien, par exemple.
En même temps, ils sont « to the point », concentrés sur le concret, en prise pratique, je dirais même pragmatique sur le monde, d’une différente manière que l’américaine… Je dirais provisoirement qu’ils sont moins piégés par l’abstraction rationaliste, qui est le défaut du système américain, mais plus piégés par l’abstraction poétique, qui les mène à surévaluer les formes, le prestige, le symbolisme. Volonté de puissance maladive, là aussi, mais maladie très différente. La VP américaine a la grippe, mais très grave, approche de la pneumonie… La VP chinoise a l’hépatite et ne pourra pas tout digérer dans sa goinfrerie. L'une est aux soins intensifs, on doute de son rétablissement... l'autre a besoin d'un régime encore inconnu ! Peut-être pas un régime "communiste!"... Bon. Que sais-je ?
Les deux côtés du monde exigent un grand penseur, qui viendrait proposer une grande synthèse, ou une médecine radicale, un nouveau but. Marx et Nietzsche sont à garder, c’est clair. Ce qui l’est moins c’est comment aller plus loin et dénouer les chaînes l’avenir. Confucius, je suis moins sûr… Zhuangze (Tchouang-Tsé), oui… selon mon goût ! Sauf pour son rêve du papillon, influence bouddhiste. Ce réel est incontournable. Mais… qui suis-je et surtout pour me prononcer !??
C’est pourquoi je veux approfondir ma connaissance de la planète chinoise, qui est un peu comme un autre monde, en tout cas une autre perception, perspectives différentes sur le monde. L’approche comparatiste est préliminaire à la production d’une nouvelle sagesse, par la grâce d’un saut qualitatif, qui est envol intuitif. Tout en continuant de méditer sous le patronage de Aurobindo.
Ah oui, autre particularité : la figure de Sartre me semble encore d’actualité, pour toute cette sorte de problèmes. Et l'espoir s'élargit à nos yeux, après quelques détroits, si l'on évite le gros des catastrophes et des guerres.
Maintenant, cependant, ma pensée continue de subir une sorte de dissociation. D’un côté je souscris au matérialisme dialectique bien compris. Je me réfère au fameuses thèses sur Feuerbach où se trouve l’intuition marxienne fondatrice en sa cristallisation naissance (in statu nascendi) et ce dispositif de pensée ne se préoccupe strictement que de travailler efficacement sur ce plan d’immanence.
D’un autre côté, par le truchement d’une sorte d’intuition sur l’infini, avec une communication non limitée par les cadres logiques de la science matérialiste avec l’univers, sa vibration fondamentale, que l’on peut continuer, si l’on veut de choisir de nommer Dieu Créateur, je fais appel à une PRATIQUE d’une sorte d’effusion mystique, qui me semble pouvoir compléter le côté strictement limité de l’approche du matérialisme historique et dialectique. Yoga aurobindien, teinté de taoïsme…
Habituellement je ne ressens pas très fortement cette contradiction comme un problème. Avec le vieillissement, malheureusement plus que la maturation dont j’aimerais me targuer… je me suis désengagé des luttes et l’issue politique est vécue par moi d’une manière moins urgente. Mais au plan de la cohérence de la pensée, et donc de la pratique, comme de la sensation et la construction de l’engagement existentiel, je ne peux pas ne pas éprouver quelques tiraillements…
Alors je me débrouille avec une sorte de bricolage poétique où je m’imagine qu’il faille deux ailes à l’oiseau (de ma pensée, que dis-je, de mon être!) pour voler. Voler! et non plus simplement marcher… Remarque que cela serait déjà pas mal… Mon pas seulement le savoir et l’imaginaire, non pas seulement l’essai et le poème, non pas seulement la raison et le cœur, non pas seulement le corps sensible et l’âme désirante, mais encore, la pensée critique et l’envol spéculatif, l’esprit de lourdeur du « sens de la terre! » ! auquel nous conviait Nietzsche et l’expérience immanente d’une transcendance, sentie comme fusion intérieure et effusion à l’infini.
Alors, il ne s’agit pas seulement de résorber cette contradiction en conciliant les contraires. Il s’agit de la dynamiser et d’en faire l’unité éprouvée d’un chemin. D’où mon intérêt renouvelé pour les pensées orientales, toutes plus intéressantes les unes que les autres, dans l’accès qualitatif… mais en contradiction avec l’approche marxienne, que je ne veux pas abandonner.
Comment penser sainement quand on appartient à une civilisation très malade et en participant, même le moins possible, à des sociétés déséquilibrées ? C’est tout un travail et cela exige peut-être plus, probablement, que la meilleure des expertises philosophiques. Le grand rôle du philosophe comme « médecin de la civilisation » est sérieusement mis à mal quand celui-ci, sujet social chevillé à sa finitude délabrée est emporté par la même maladie.
Les choses en sont venues au point où l’on s’aperçoit que cette civilisation n’a cure de durée. Elle est bien évidement condamnée à disparaître très rapidement. C’est la motivation première de mon intérêt pour les civilisations chinoises et indiennes : elles s’inscrivent dans une durée plus longue, significative et en particulier la civilisation chinoise entretiens explicitement la volonté de projets qui se déroulent sur des millénaires. Je ne vois pas ce qui pourrait l’empêcher de prendre progressivement le contrôle et de présider au destin de la planète pour une longue époque qui verra l’expansion de l’espèce humaine vers les plus prochaines étoiles.
La pensée marxienne est saine mais limitée. J’observe comment les Chinois s’en sont emparés mais la complètent par leurs croyances spécifiques. Mais l’homme chinois est très différent de l’homme occidental. La structure psychique est difficilement comparable. L’organisation des croyances, la place de la logique (naturellement dialectique!), l’importance des connaissances est spécialement déroutante pour un esprit cartésien, par exemple.
En même temps, ils sont « to the point », concentrés sur le concret, en prise pratique, je dirais même pragmatique sur le monde, d’une différente manière que l’américaine… Je dirais provisoirement qu’ils sont moins piégés par l’abstraction rationaliste, qui est le défaut du système américain, mais plus piégés par l’abstraction poétique, qui les mène à surévaluer les formes, le prestige, le symbolisme. Volonté de puissance maladive, là aussi, mais maladie très différente. La VP américaine a la grippe, mais très grave, approche de la pneumonie… La VP chinoise a l’hépatite et ne pourra pas tout digérer dans sa goinfrerie. L'une est aux soins intensifs, on doute de son rétablissement... l'autre a besoin d'un régime encore inconnu ! Peut-être pas un régime "communiste!"... Bon. Que sais-je ?
Les deux côtés du monde exigent un grand penseur, qui viendrait proposer une grande synthèse, ou une médecine radicale, un nouveau but. Marx et Nietzsche sont à garder, c’est clair. Ce qui l’est moins c’est comment aller plus loin et dénouer les chaînes l’avenir. Confucius, je suis moins sûr… Zhuangze (Tchouang-Tsé), oui… selon mon goût ! Sauf pour son rêve du papillon, influence bouddhiste. Ce réel est incontournable. Mais… qui suis-je et surtout pour me prononcer !??
C’est pourquoi je veux approfondir ma connaissance de la planète chinoise, qui est un peu comme un autre monde, en tout cas une autre perception, perspectives différentes sur le monde. L’approche comparatiste est préliminaire à la production d’une nouvelle sagesse, par la grâce d’un saut qualitatif, qui est envol intuitif. Tout en continuant de méditer sous le patronage de Aurobindo.
Ah oui, autre particularité : la figure de Sartre me semble encore d’actualité, pour toute cette sorte de problèmes. Et l'espoir s'élargit à nos yeux, après quelques détroits, si l'on évite le gros des catastrophes et des guerres.
samedi 18 décembre 2010
Sartre!
(E-mail à un jeune ami, du 16 décembre 2010)
Bonjour Julien, Je viens de voir ton message. Cette adresse n'est pas mon courriel principal. Je ne pense à le consulter que de temps en temps. Ta question a l'air toute simple comme ça. mais c'est une question ouverte. Il faudrait que j'en connaisse un peu sur toi pour te faire une réponse adaptée.
Par exemple, moi, je suis un Québécois, j'ai eu la chance d'aller un an à Paris, il y a longtemps, en 1976 pour tout dire, pour étudier principalement la philosophie. J'étais marxiste à l'époque et sévissait Althusser. J'ai suivi les cours de Badiou, sur les dialectiques et j'avais beaucoup apprécié. C'est de retour au Québec que j'ai senti le besoin d'élargir le champ des questions et que je me suis servi de Sartre pour contourner le dogmatisme de la plupart des marxistes. Mais je suis tombé en amour avec sa pensée, c'est pourquoi j'ai fait mon mémoire de maîtrise sur lui : La mesure de l'impossible -étude de la notion de liberté dans l'œuvre philosophique et autobiographique de Sartre. "La vie et l'œuvre", quoi! L'engagement, la définition de l'intellectuel dans son rôle politique, sa relation à la société.
Après j'ai poursuivi mes lectures et réflexions, je suis allé beaucoup du côté de Nietzsche et contre, tout contre Heidegger. Sentimentalement, Sartre demeure mon préféré. Mais sa morale pratique est trop exigeante pour un petit bourgeois un peu paresseux et qui préfère sauvegarder un peu de confort. Bien sûr je ne parle pas de toi, je ne te connais pas, je parle de moi.
De par sa formation, Sartre est un hégélien rebelle. C'est la révolte de Kierkegaard contre le Système qu'il épouse, le privilège de l'individuel qui touche le concret de l'expérience de vivre, l'existence, contre les pesantes abstractions conceptuelles de "l'universel". Intellectuellement, pour contrer la métaphysique, il adopte la méthode de Husserl, il se fait phénoménologue. Examen et analyse des actes de conscience, réduire l'incertitude, fonder l'évidence : c'est là la quincaillerie de la production de vérités.
Mais il rencontre Heidegger sur son chemin. Voilà un autre genre de phénoménologue. Sartre part de l'expérience humaine de vivre, une vie individuelle, irréductiblement concrète et se battra toute sa vie contre l'aliénation de l'être de l'homme à l'Être, abstraction suprême. L'existentialisme prend le contre-pied de l'essentialisme, dont la pensée de Platon est l'archétype, celle de Heidegger l'achèvement ultime.
Les heideggeriens, acharnés, comme il y en a beaucoup en France, hallucinés, ne reconnaîtrons jamais cette critique, très simple au fond, trop simple ? Heidegger prétend dépasser la métaphysique en surenchérissant sur l'abstraction qui est le procédé métaphysique par excellence. C'est absurde, et risible, quand on y pense... Mais que doit faire un humain, concrètement, pour trouver grâce aux yeux de l'Être ? Poser ainsi la question nous fait voir, il me semble, immédiatement son absurdité. Sartre parle d'une totalisation, ou synthèse d'enveloppement, qui n'est jamais totalitaire, ou achevée.
Mais comme Marx reconnaissait que la dialectique idéaliste de Hegel digérait pas mal de matériel, Sartre admet que l'essentialisme de Heidegger ingère passablement de concret et décrit, thématise (fait entrer dans le domaine du commentaire philosophique) des pans entiers de l'expérience de vivre de l'homme moderne, aux prises avec la déshumanisation par la technique et la lancinante question du sens (de tout ceci, de la vie, de cette civilisation affolée qui ne s'organise pas pour durer...
Mais revenir au passé, retrouver une sorte authentique de "donation originaire" du "sens de l'Être" n'offre pas une solution intéressante ou progressiste, pour Sartre. Il reconnaît l'homme comme "condamné à la liberté", c'est-à-dire contraint d'inventer ses nouveaux chemins et pour cela il faut s'entendre et s'organiser pour construire l'avenir. L'être pour-soi, spontanément individualiste, devient collectiviste pour proposer et collaborer (à) des solution crédibles aux problèmes exacerbés.
Alors, pour bien lire Sartre, première chose, il faut se méfier des abstractions. À leur propos, Sartre se veut le plus simple possible, et tranchant. Comme pour Nietzsche, chez lui il n'y plus de place pour des "arrière-monde". Tout ce dont il s'agit est là, sous nos yeux, ou donné de quelque manière. Le pour-soi est mon expérience. Sartre nous invite toujours à vérifier en nous-mêmes pour sentir la véracité (ou non) de sa démonstration. Il se lance à la recherche de l'être, il découvre le néant, il cherche la durée, il trouve le temps fuyant, évanescent, complexe, problématique (les trois extases temporelles, etc.) il cherche la vérité et il tombe sur la liberté. C'est l'angoisse.
Il refuse la mauvaise foi, la complicité malsaine, il ne prend rien pour acquis. Sa réflexion apparemment théorique (truffée de notions et de concepts) est pétrie de morale. Il exige de son lecteur un engagement envers la recherche de la vérité en même temps qu'un parti-pris envers la solidarité humaine. Puisque la vérité n'est pas donnée, jamais toute faite (dogmes et religions sont à ce titre nuls et absolument non pertinents) il nous faut, humains, la faire ensemble, prouvant ainsi, du même coup, la vérité de notre être.
Je te lance ça comme ça me vient, ne sachant pas encore ce que tu veux savoir. En tout cas, prérequis: connaissance de base de la phénoménologie, comme méthode d'investigation de l'expérience. Ensuite, attention soutenue, une certaine culture littéraire on va dire classique est aussi utile sinon tout à fait nécessaire (Sartre fait constamment allusion aux grands auteurs, pas seulement français) goût de la réflexion, souplesse dialectique, ouverture au monde (compassion) et passion pour la liberté ou la vérité : finalement ces deux notions reviennent au même chez Sartre : quête infinie, ouverture, remise en question et critique perpétuelle. Interroge ton expérience.
Je te remercie de m'avoir fourni cette occasion de réactualiser ma perception de Sartre, l'homme, le penseur, déjà largement méconnu aujourd'hui. Si tu veux en savoir plus, il faudra m'en dire plus.
Tu peux aussi questionner ou commenter sur mes blogs, celui-là, dont je pense à changer le titre, ou sur les autres, selon ta fantaisie. J'utilise 6 blogs en fait, dont tu peux suivre les liens sur "Prégnances...
Alors, salut ! Bon courage et à bientôt, peut-être. Bien connaître Platon est un excellent point de départ. Je ne connais pas bien Schopenhauer, seulement ce qu'en dit Nietzsche. Mais en tout cas il ne suffit pas de lire, il faut aussi savoir réfléchir, se questionner en soi-même, sur soi-même. Question d'ouverture, disponibilité et talent, aussi.
Jacques Perreault
Bonjour Julien, Je viens de voir ton message. Cette adresse n'est pas mon courriel principal. Je ne pense à le consulter que de temps en temps. Ta question a l'air toute simple comme ça. mais c'est une question ouverte. Il faudrait que j'en connaisse un peu sur toi pour te faire une réponse adaptée.
Par exemple, moi, je suis un Québécois, j'ai eu la chance d'aller un an à Paris, il y a longtemps, en 1976 pour tout dire, pour étudier principalement la philosophie. J'étais marxiste à l'époque et sévissait Althusser. J'ai suivi les cours de Badiou, sur les dialectiques et j'avais beaucoup apprécié. C'est de retour au Québec que j'ai senti le besoin d'élargir le champ des questions et que je me suis servi de Sartre pour contourner le dogmatisme de la plupart des marxistes. Mais je suis tombé en amour avec sa pensée, c'est pourquoi j'ai fait mon mémoire de maîtrise sur lui : La mesure de l'impossible -étude de la notion de liberté dans l'œuvre philosophique et autobiographique de Sartre. "La vie et l'œuvre", quoi! L'engagement, la définition de l'intellectuel dans son rôle politique, sa relation à la société.
Après j'ai poursuivi mes lectures et réflexions, je suis allé beaucoup du côté de Nietzsche et contre, tout contre Heidegger. Sentimentalement, Sartre demeure mon préféré. Mais sa morale pratique est trop exigeante pour un petit bourgeois un peu paresseux et qui préfère sauvegarder un peu de confort. Bien sûr je ne parle pas de toi, je ne te connais pas, je parle de moi.
De par sa formation, Sartre est un hégélien rebelle. C'est la révolte de Kierkegaard contre le Système qu'il épouse, le privilège de l'individuel qui touche le concret de l'expérience de vivre, l'existence, contre les pesantes abstractions conceptuelles de "l'universel". Intellectuellement, pour contrer la métaphysique, il adopte la méthode de Husserl, il se fait phénoménologue. Examen et analyse des actes de conscience, réduire l'incertitude, fonder l'évidence : c'est là la quincaillerie de la production de vérités.
Mais il rencontre Heidegger sur son chemin. Voilà un autre genre de phénoménologue. Sartre part de l'expérience humaine de vivre, une vie individuelle, irréductiblement concrète et se battra toute sa vie contre l'aliénation de l'être de l'homme à l'Être, abstraction suprême. L'existentialisme prend le contre-pied de l'essentialisme, dont la pensée de Platon est l'archétype, celle de Heidegger l'achèvement ultime.
Les heideggeriens, acharnés, comme il y en a beaucoup en France, hallucinés, ne reconnaîtrons jamais cette critique, très simple au fond, trop simple ? Heidegger prétend dépasser la métaphysique en surenchérissant sur l'abstraction qui est le procédé métaphysique par excellence. C'est absurde, et risible, quand on y pense... Mais que doit faire un humain, concrètement, pour trouver grâce aux yeux de l'Être ? Poser ainsi la question nous fait voir, il me semble, immédiatement son absurdité. Sartre parle d'une totalisation, ou synthèse d'enveloppement, qui n'est jamais totalitaire, ou achevée.
Mais comme Marx reconnaissait que la dialectique idéaliste de Hegel digérait pas mal de matériel, Sartre admet que l'essentialisme de Heidegger ingère passablement de concret et décrit, thématise (fait entrer dans le domaine du commentaire philosophique) des pans entiers de l'expérience de vivre de l'homme moderne, aux prises avec la déshumanisation par la technique et la lancinante question du sens (de tout ceci, de la vie, de cette civilisation affolée qui ne s'organise pas pour durer...
Mais revenir au passé, retrouver une sorte authentique de "donation originaire" du "sens de l'Être" n'offre pas une solution intéressante ou progressiste, pour Sartre. Il reconnaît l'homme comme "condamné à la liberté", c'est-à-dire contraint d'inventer ses nouveaux chemins et pour cela il faut s'entendre et s'organiser pour construire l'avenir. L'être pour-soi, spontanément individualiste, devient collectiviste pour proposer et collaborer (à) des solution crédibles aux problèmes exacerbés.
Alors, pour bien lire Sartre, première chose, il faut se méfier des abstractions. À leur propos, Sartre se veut le plus simple possible, et tranchant. Comme pour Nietzsche, chez lui il n'y plus de place pour des "arrière-monde". Tout ce dont il s'agit est là, sous nos yeux, ou donné de quelque manière. Le pour-soi est mon expérience. Sartre nous invite toujours à vérifier en nous-mêmes pour sentir la véracité (ou non) de sa démonstration. Il se lance à la recherche de l'être, il découvre le néant, il cherche la durée, il trouve le temps fuyant, évanescent, complexe, problématique (les trois extases temporelles, etc.) il cherche la vérité et il tombe sur la liberté. C'est l'angoisse.
Il refuse la mauvaise foi, la complicité malsaine, il ne prend rien pour acquis. Sa réflexion apparemment théorique (truffée de notions et de concepts) est pétrie de morale. Il exige de son lecteur un engagement envers la recherche de la vérité en même temps qu'un parti-pris envers la solidarité humaine. Puisque la vérité n'est pas donnée, jamais toute faite (dogmes et religions sont à ce titre nuls et absolument non pertinents) il nous faut, humains, la faire ensemble, prouvant ainsi, du même coup, la vérité de notre être.
Je te lance ça comme ça me vient, ne sachant pas encore ce que tu veux savoir. En tout cas, prérequis: connaissance de base de la phénoménologie, comme méthode d'investigation de l'expérience. Ensuite, attention soutenue, une certaine culture littéraire on va dire classique est aussi utile sinon tout à fait nécessaire (Sartre fait constamment allusion aux grands auteurs, pas seulement français) goût de la réflexion, souplesse dialectique, ouverture au monde (compassion) et passion pour la liberté ou la vérité : finalement ces deux notions reviennent au même chez Sartre : quête infinie, ouverture, remise en question et critique perpétuelle. Interroge ton expérience.
Je te remercie de m'avoir fourni cette occasion de réactualiser ma perception de Sartre, l'homme, le penseur, déjà largement méconnu aujourd'hui. Si tu veux en savoir plus, il faudra m'en dire plus.
Tu peux aussi questionner ou commenter sur mes blogs, celui-là, dont je pense à changer le titre, ou sur les autres, selon ta fantaisie. J'utilise 6 blogs en fait, dont tu peux suivre les liens sur "Prégnances...
Alors, salut ! Bon courage et à bientôt, peut-être. Bien connaître Platon est un excellent point de départ. Je ne connais pas bien Schopenhauer, seulement ce qu'en dit Nietzsche. Mais en tout cas il ne suffit pas de lire, il faut aussi savoir réfléchir, se questionner en soi-même, sur soi-même. Question d'ouverture, disponibilité et talent, aussi.
Jacques Perreault
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jeudi 9 juillet 2009
La leçon de Merleau-Ponty
Il serait peut-être intéressant de revenir à la pensée de Maurice Merleau-Ponty. Je ne l'ai jamais beaucoup lu. J'avais exécré, quand je l'avais lue au début des années 80, sa critique, à mes yeux injuste, du radicalisme politique de Sartre dans Les aventures de la dialectique.
Mais c'est un phénoménologue français important et qui a fait école ; et sa pensée se retrouve encore aujourd'hui peut-être un peu mieux enracinée dans les études universitaires que celle de son rival de naguère et pourtant jadis camarade et compagnon de combat.
Ce désaccord porterait essentiellement sur le statut du néant. Chez Sartre les oppositions apparaissent nettement tranchées, prélude à un combat éternel, dans le style des Blancs et des Noirs aux échecs, source d'empoignades infinies... Merleau-Ponty, dans son opposition de plus en plus affirmée, affirmative, élabore la notion de la chair, qui, selon lui, incarne comme tourments et empiètements, les oppositions qui semblent ultimes pour la conscience rationaliste du moi mais qui sont médiatisées et dépassées positivement dans le flot de la vie personnelle.
Il ne suffit pas de dire que le néant surgit porté sur l'être, comme le fait Sartre, pour échapper à la critique d'essentialisme et d'intellectualisme, voire d'idéalisme, mais il faut aussi montrer comment ces néantisations circonstancielles se produisent du sein même de l'être-au-monde et de l'expérience d'être, dans la substantialité à la fois active et passive de la chair, notion donc qui tente de saisir tout le domaine éprouvé et senti de l'incarnation, dernier mot de la corporalité ou corporéité ? Comment mieux expliquer la sensation d'être un corps ?
L'enjeu est de taille au niveau d'une propédeutique philosophique de la question du sujet parce que le soupçon se fait jour que la dialectique serait, en tant que logique de la contradiction, c'est-a-dire des affrontements contradictoires, qui ne sont qu'exceptionnellement les problèmes cruciaux de la vie, soit dans le domaine humainement délimité par l'histoire, tout à fait inapte à faire progresser l'investigation dans le domaine de l'ontologie.
Le deuxième Sartre, en rompant avec la tentative de l'ontologie phénoménologique, aurait pris acte de cela, dans CRD. L'organisme pratique, support de la praxis, n'est pas le pour-soi de EN et est incommensurable avec lui.
La liberté, dans le domaine de l'incarnation, spécialité sensible de la situation de corporéité matérielle, serait l'expérience et les limites d'un pouvoir-être autrement et qui du sein de l'être pourrait néanmoins apporter du changement. En corollaire, on ne peut pas sensiblement parler de l'amour dans la logique oppositionnelle du moi rationaliste et donc volontariste.
___________________
* in Maurice Merleau-Ponty, Hermann éditeurs, Philosophie, 2008, 458p., citation tirée de l'Introduction par Emmanuel de Saint Aubert, p. 11, note 2. "Tout se passe ainsi comme si sa lecture de Descartes entrecroisée avec celle de Husserl et de Heidegger (...) avait destiné Merleau-Ponty à tenter d'établir, sur le terrain même de la philosophie, la primauté de "l'usage de la vie" sur les dichotomies établies par l'entendement." id. p. 88 (Le soi incarné -Merleau-Ponty et la question du sujet, par Maria Villela-Petit, pp. 79 à 123).
Mais c'est un phénoménologue français important et qui a fait école ; et sa pensée se retrouve encore aujourd'hui peut-être un peu mieux enracinée dans les études universitaires que celle de son rival de naguère et pourtant jadis camarade et compagnon de combat.
--"Si le désaccord avec Sartre perce déjà par endroits avant la publication de L'Être et le Néant, et devient plus manifeste dans les pages de la Phénoménologie de la perception consacrées à la liberté, ce sont surtout les inédits de la fin des années quarante qui préparent la sévérité et les audaces d'une critique qui éclatera au grand jour à partir des Aventures de la dialectiques." (*)
Ce désaccord porterait essentiellement sur le statut du néant. Chez Sartre les oppositions apparaissent nettement tranchées, prélude à un combat éternel, dans le style des Blancs et des Noirs aux échecs, source d'empoignades infinies... Merleau-Ponty, dans son opposition de plus en plus affirmée, affirmative, élabore la notion de la chair, qui, selon lui, incarne comme tourments et empiètements, les oppositions qui semblent ultimes pour la conscience rationaliste du moi mais qui sont médiatisées et dépassées positivement dans le flot de la vie personnelle.
Il ne suffit pas de dire que le néant surgit porté sur l'être, comme le fait Sartre, pour échapper à la critique d'essentialisme et d'intellectualisme, voire d'idéalisme, mais il faut aussi montrer comment ces néantisations circonstancielles se produisent du sein même de l'être-au-monde et de l'expérience d'être, dans la substantialité à la fois active et passive de la chair, notion donc qui tente de saisir tout le domaine éprouvé et senti de l'incarnation, dernier mot de la corporalité ou corporéité ? Comment mieux expliquer la sensation d'être un corps ?
L'enjeu est de taille au niveau d'une propédeutique philosophique de la question du sujet parce que le soupçon se fait jour que la dialectique serait, en tant que logique de la contradiction, c'est-a-dire des affrontements contradictoires, qui ne sont qu'exceptionnellement les problèmes cruciaux de la vie, soit dans le domaine humainement délimité par l'histoire, tout à fait inapte à faire progresser l'investigation dans le domaine de l'ontologie.
Le deuxième Sartre, en rompant avec la tentative de l'ontologie phénoménologique, aurait pris acte de cela, dans CRD. L'organisme pratique, support de la praxis, n'est pas le pour-soi de EN et est incommensurable avec lui.
La liberté, dans le domaine de l'incarnation, spécialité sensible de la situation de corporéité matérielle, serait l'expérience et les limites d'un pouvoir-être autrement et qui du sein de l'être pourrait néanmoins apporter du changement. En corollaire, on ne peut pas sensiblement parler de l'amour dans la logique oppositionnelle du moi rationaliste et donc volontariste.
___________________
* in Maurice Merleau-Ponty, Hermann éditeurs, Philosophie, 2008, 458p., citation tirée de l'Introduction par Emmanuel de Saint Aubert, p. 11, note 2. "Tout se passe ainsi comme si sa lecture de Descartes entrecroisée avec celle de Husserl et de Heidegger (...) avait destiné Merleau-Ponty à tenter d'établir, sur le terrain même de la philosophie, la primauté de "l'usage de la vie" sur les dichotomies établies par l'entendement." id. p. 88 (Le soi incarné -Merleau-Ponty et la question du sujet, par Maria Villela-Petit, pp. 79 à 123).
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lundi 29 juin 2009
Sloterdijk et Heidegger
Habituellement Sloterdijk est assez clair dans son appréciation du travail de Heidegger, dont il est un des meilleurs connaisseurs. Il départage, au fil de ses écrits, les idées qui l'inspirent encore de celles qu'il critique et dépasse. Il est assez net aussi sur les aspects de l'œuvre de Heidegger qu'il rejette et condamne sans ménagements.
Si Sloterdijk est un "disciple de Heidegger", comme le mentionnait M. Jean-Marc Lemelin dans un message au billet "Difficile collaboration..." (cf. ci-dessous) alors il faudrait constater encore une fois que le disciple a dépassé le maître.
L'impression que je retire, en fait, de ce que je connais de ses écrits et entretiens c'est que Sloterdijk pense plus dans le prolongement des questions soulevées par Nietzsche que dans le cadre du dispositif hedeggerien. Et ce questionnement fait éclater le cadre dans plusieurs de ses aspects essentiels.
Pour le moment je ne vais examiner que l'exemple de ce texte, initialement écrit pour une conférence, et qui a soulevé une polémique en Allemagne qui grandit au point de devenir un morceau d'anthologie des malentendus. Et cela n'est pas le propos aujourd'hui de se moquer du vieil Habermas qui, drapé dans les reliques trouées de ce qui reste de la Théorie critique, se déconsidère par son manque d'imagination et crampe de gauche bienpensante à l'indignation sclérosée de vierge offensée : vieille fille.
Mais c'est un texte, paru en français sous le titre Règles pour le parc humain -une lettre en réponse à la Lettre sur l'humanisme de Heidegger, qui est la traduction littérale du titre allemand Regeln für den Menschenpark Ein Antwortschreiben zu Heideggers Brief über den Humanismus qui parle dans la perspective de l'anthropogenèse et qui se rapporte aux postures des deux penseurs sus-nommés. Nietzsche et Heidegger, bien sûr. Et je ne trouve en rien fastidieux d'écrire ces deux noms côte-à-côte une fois de plus.
Comme ses propos sont difficiles à résumer, puisqu'il y a tout de même ici une certaine densité d'idées et que par ailleurs le style de Sloterdijk, même en français -où il bénéficie du travail d'excellents traducteurs (ici, grâce soit rendue à monsieur Olivier Mannoni)-, produit des effets assez décapants, nous avons choisi de présenter telle quelle une assez longue citation qui illustre parfaitement certaines données de notre problème :
Alors, qu'est-ce qui ressort de cette longue citation, en surplus de cet enchaînement d'idées et selon notre questionnement ? Bien, d'abord, il ne fait pas de doute que Sloterdijk reconnaît l'importance fondamentale de l'intuition de l'éclaircie pour penser l'anthropogenèse. Heidegger a ouvert à la réflexion tout un nouveau domaine de compréhension de l'être de l'homme.
Heideggerienne aussi est la reconnaissance du véhicule principal du langage.
L'accord continue aussi jusque sur la nécessité du dépassement de l'humanisme rassis. Je tiens, personnellement en réserve la possibilité d'un humanisme tragique ou problématique, ou prospectif, ou dialectique et dynamique, comme on voudra mais je pense au style particulier de l'humanisme de Sartre. Cela peut être un problème, en théorie, mais c'est une figure envers laquelle je conserve toute ma sympathie.
Je retiens aussi la traduction de Gelassenheit par "impassibilité" : nettement plus intéressante que la classique "sérénité", au sourire lisse. Masque. Marilyn suicidée. Oui, Jean-Marc, l'homme est passible mais pas de tous les péchés qu'on veut lui faire porter. Il cherche à vivre avant de s'interroger. Ce sont les conflits et les menaces, la peur, premier mobile, qui la guident, plus souvent que l'amour.
L'histoire récente des guerres est inimaginable sans l'étonnante impassibilité dont l'homme est aussi capable même devant les orages d'acier. C'est une intuition réaliste que Sloterdijk partage encore, je crois, avec Heidegger.
Mais à part ça on voit que, un peut partout, aussitôt en fait qu'il en a l'occasion, le "disciple" se fait fort de donner la leçon au "maître". L'attitude de Sloterdijk envers Heidegger est presque toujours et partout aussi irrévérencieuse que possible. L'honnêteté de la dette intellectuelle ne l'empêche pas de désapprouver l'attitude et de conspuer les compromissions. Il y a de certaines complicités avec lesquelles le camarade Sloterdijk refuse obstinément de se voir confondu. Rien de völkisch dans sa prose.
Si Sloterdijk est un "disciple de Heidegger", comme le mentionnait M. Jean-Marc Lemelin dans un message au billet "Difficile collaboration..." (cf. ci-dessous) alors il faudrait constater encore une fois que le disciple a dépassé le maître.
L'impression que je retire, en fait, de ce que je connais de ses écrits et entretiens c'est que Sloterdijk pense plus dans le prolongement des questions soulevées par Nietzsche que dans le cadre du dispositif hedeggerien. Et ce questionnement fait éclater le cadre dans plusieurs de ses aspects essentiels.
Pour le moment je ne vais examiner que l'exemple de ce texte, initialement écrit pour une conférence, et qui a soulevé une polémique en Allemagne qui grandit au point de devenir un morceau d'anthologie des malentendus. Et cela n'est pas le propos aujourd'hui de se moquer du vieil Habermas qui, drapé dans les reliques trouées de ce qui reste de la Théorie critique, se déconsidère par son manque d'imagination et crampe de gauche bienpensante à l'indignation sclérosée de vierge offensée : vieille fille.
Mais c'est un texte, paru en français sous le titre Règles pour le parc humain -une lettre en réponse à la Lettre sur l'humanisme de Heidegger, qui est la traduction littérale du titre allemand Regeln für den Menschenpark Ein Antwortschreiben zu Heideggers Brief über den Humanismus qui parle dans la perspective de l'anthropogenèse et qui se rapporte aux postures des deux penseurs sus-nommés. Nietzsche et Heidegger, bien sûr. Et je ne trouve en rien fastidieux d'écrire ces deux noms côte-à-côte une fois de plus.
Comme ses propos sont difficiles à résumer, puisqu'il y a tout de même ici une certaine densité d'idées et que par ailleurs le style de Sloterdijk, même en français -où il bénéficie du travail d'excellents traducteurs (ici, grâce soit rendue à monsieur Olivier Mannoni)-, produit des effets assez décapants, nous avons choisi de présenter telle quelle une assez longue citation qui illustre parfaitement certaines données de notre problème :
-- "Nous allons, dans les lignes qui suivent, nous éloigner des instructions données par Heidegger sur l'immobilisation dans les figures finales de la pensée méditative en entreprenant une tentative pour caractériser plus précisément d'un point de vue historique la clairière extatique dans lequel l'être humain se laisse interpeller par l'Être. On verra que le séjour humain dans la clairière - en termes heideggeriens, le fait que l'homme se tienne ou soit tenu dans la clairière de l'Être -- ne constitue nullement un rapport ontologique primitif qui ne serait accessible à aucun autre questionnement. Il existe une histoire, résolument ignorée par Heidegger, de la sortie de l'être humain dans la clairière - une histoire sociale de la manière dont l'homme peut être touché par la question de l'être, et une mobilité historique dans l'ouverture béante de la différence ontologique.
-- Il faut parler ici, d'une part, d'une histoire naturelle de l'impassibilité (Gelassenheit), par la force de laquelle l'être humain a pu devenir l'animal ouvert au moinde, capable de "faire face" au monde, et d'autre part d'une histoire sociale de apprivoisements par lesquels les hommes se sont, à l'origine, découverts comme les créatures qui se rassemblent pour correspondre au tout. L'histoire réelle de la clairière - dont doit partir une réflexion sur l'être humain approfondie au-delà de l'humanisme - est donc constituée de deux grands récits qui convergent dans une perspective commune, le récit de la manière dont l'animal sapiens est devenu l'homme sapiens. Le premier de ces deux récits rend compte de l'aventure de l'hominisation. Il raconte comment, dans les longues périodes de la préhistoire préhumaine et humaine, le mammifère vivipare qu'est l'homme est devenu une espèce composée de créatures prématurées qui - si l'on pouvait utiliser un terme aussi paradoxal - se sont présentées dans leur environnement avec un excédent croissant d'inachèvement animal. Ici s'accomplit la révolution anthropogénétique - l'ouverture par l'explosion, la transformation de la naissance biologique en un acte du venir-au-monde. Dans sa réserve obstinée à l'égard de toute anthropologie, et dans sa fièvre de conserver ontologiquement pur le point de départ dans l'être-là et dans l'être-dans-le-monde de l'être humain, Heidegger est loin d'avoir tenu suffisamment compte de cette explosion. Car le fait que l'homme ait pu devenir la créature qui est dans le monde, a des racines dans l'histoire de l'espèce, racines auxquelles on peut faire allusion en invoquant les concepts abyssaux de la naissance prématurée, de la néoténie et de l'immaturité animale chronique de l'être humain. On pourrait aller jusqu'à désigner l'être humain comme une créature qui a échoué dans son être-animal et son demeurer-animal. En échouant comme animal, la créature indéterminée est précipitée hors de l'environnement et acquiert ainsi le monde, au sens ontologique. Ce venir au monde extatique et cette orientation vers l'Être ont été déposés dans le berceau de l'être humain, avec l'héritage de l'histoire de l'espèce. Si l'homme est dans-le-monde, c'est parce qu'il appartient à un mouvement qui l'apporte au monde et l'expose au monde. Il est le produit d'une hyper-naissance qui fait du nourrisson (Säugling) une créature du monde, un Weltling.
-- Cet exode n'engendrerait que des animaux psychotiques si, en même temps que l'avancée dans le monde, n'avait pas eu lieu une entrée dans ce que Heidegger nomme la maison de l'Être. Les langues traditionnelles de l'espèce humaine ont permis de vivre l'extase de l'être-dans-le-monde en montrant aux hommes comment leur être-auprès-du-monde peut aussi être vécu comme un être-auprès-de-soi-même. Dans cette mesure, la clairière est un événement à la limite de l'histoire de la nature et de la culture, et le venir-au-monde humain prend très tôt les traits d'un venir-au-langage."
Alors, qu'est-ce qui ressort de cette longue citation, en surplus de cet enchaînement d'idées et selon notre questionnement ? Bien, d'abord, il ne fait pas de doute que Sloterdijk reconnaît l'importance fondamentale de l'intuition de l'éclaircie pour penser l'anthropogenèse. Heidegger a ouvert à la réflexion tout un nouveau domaine de compréhension de l'être de l'homme.
Heideggerienne aussi est la reconnaissance du véhicule principal du langage.
L'accord continue aussi jusque sur la nécessité du dépassement de l'humanisme rassis. Je tiens, personnellement en réserve la possibilité d'un humanisme tragique ou problématique, ou prospectif, ou dialectique et dynamique, comme on voudra mais je pense au style particulier de l'humanisme de Sartre. Cela peut être un problème, en théorie, mais c'est une figure envers laquelle je conserve toute ma sympathie.
Je retiens aussi la traduction de Gelassenheit par "impassibilité" : nettement plus intéressante que la classique "sérénité", au sourire lisse. Masque. Marilyn suicidée. Oui, Jean-Marc, l'homme est passible mais pas de tous les péchés qu'on veut lui faire porter. Il cherche à vivre avant de s'interroger. Ce sont les conflits et les menaces, la peur, premier mobile, qui la guident, plus souvent que l'amour.
L'histoire récente des guerres est inimaginable sans l'étonnante impassibilité dont l'homme est aussi capable même devant les orages d'acier. C'est une intuition réaliste que Sloterdijk partage encore, je crois, avec Heidegger.
Mais à part ça on voit que, un peut partout, aussitôt en fait qu'il en a l'occasion, le "disciple" se fait fort de donner la leçon au "maître". L'attitude de Sloterdijk envers Heidegger est presque toujours et partout aussi irrévérencieuse que possible. L'honnêteté de la dette intellectuelle ne l'empêche pas de désapprouver l'attitude et de conspuer les compromissions. Il y a de certaines complicités avec lesquelles le camarade Sloterdijk refuse obstinément de se voir confondu. Rien de völkisch dans sa prose.
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dimanche 28 juin 2009
Heidegger encore...
"Le don de soi dans l'ouvert au moyen de cet ouvert est l'Être même." Lettre sur l'humanisme, op. cit., p. 87 Le pas en retrait, par rapport à la démarche au long cours de l'histoire de la métaphysique, proposé par Heidegger permet au moins d'attirer l'attention sur la question de la donation (originaire).
Ici, donc, l'Être est caractérisé essentiellement comme "don de soi dans et par l'ouvert". Il s'agit de considérer que l'"Être" donne l'éclaircie comme son être le plus essentiel à l'homme. Dans cette perspective, cela serait imputable à l'"Être" si l'être même fondamental de l'homme doit être d'habiter l'éclaircie de l'Être, ou la clairière (jolie métaphore par laquelle j'entends, mettons, l'ensemble des possibilités de la conscience ou l'univers de l'ensemble des consciences possibles) ou l'ouvert (soit la possibilité même de savoir et d'être au monde, dont conscient : foisonnement de l'ensemble des phénomènes et manifestations humaines qui se détaillent en histoire et cultures, etc.).
"Peut-être le mot "est" ne peut-il se dire en rigueur que de l'Être, de sorte que tout étant n'"est" pas, ne peut jamais proprement "être"." (Ibid. p. 89) C'est à un retournement, à tout le moins de l'attention, que nous sommes conviés puisqu'il s'agirait de se placer dans la perspective où il n'y a que l'"Être" qui soit vraiment et pleinement. Et perspective, le mot est faible, puisque cela serait l'idée, ici suggérée, d'une position en surplomb ou englobante de toute perspective possible, qui ont cours à partir du (ou des) domaine(s) de l'étant.
"L'avoir-lieu de l'histoire déploie son essence comme le destin de la vérité de l'être, à partir de celui-ci (...). L'être accède à son destin, en tant que Lui-même, l'Être, se donne. >(S'impose...?)< Ce qui signifie, pensé conformément à son destin : Il se donne et se refuse à la fois." (p. 91) Comme l'amour d'une femme... Non ! Mais d'une manière à la fois plus impondérable et moins capricieuse. Mais cela à a voir avec l'abri, mise en sûreté du sens dans le langage.
Suit une discussion des thèses de Hegel.
"Ce qui procède de la métaphysique absolue ne saurait être abordé et encore moins éliminé par des réfutations. On ne peut que l'accueillir en tant que sa vérité, ramenée plus originellement à l'Être lui-même, est celé en lui et soustrait à la sphère d'une opinion purement humaine."
On ne peut donc pas réfuter Heidegger. Mais il ne s'adresse qu'à quelques penseurs alors que Sartre, à la fois plus littéraire et libertaire, s'adresse à tous les hommes. Et Heidegger parle de "la lutte amoureuse des penseurs", où il ne s,agit pas d'annulation et de réfutation mais d'accompagner et de prolonger un mouvement de pensée au-delà de sa conclusion ou de son domaine de validité.
Rétrospectivement nous pouvons dire que le destin de Sartre était de susciter une responsabilisation accrue de son historicité par l'homme ; alors que celui de Heidegger serait d'attirer l'attention sur l'arrière-plan de tout ce dont nous avons l'expérience, la donation "originaire" (?) qui rend "tout cela" possible. On ne peut pas réfuter une telle visée ou projet de dévoilement mais on peut lui préférer une autre attitude. D'ailleurs, Sartre pense en tout conscience et je crois lucidement à l'intérieur du domaine ouvert par Heidegger et dans le prolongement de ce dévoilement.
Exil, dériliction de l'homme moderne
Heidegger nous invite à considérer l'Être comme notre patrie d'origine et dont nous aurions été... déportés ? Mais pour autant que nous le sachions en tout cas nous n'avons pas conscience d'avoir jamais habité cette patrie, ni jamais ni à l'origine... L'allégation d'une inconscience ou d'un inconscient, voire de l'inanité de tout cet ensemble de phénomènes que l'on subsume sous la désignation de "la conscience" est irréfutable... car infalsifiable. Improuvable, pas testable ! Il conviendrait donc, à tout le moins, de se méfier...
Il n'est pas question non plus, donc, d'y revenir et l'on ne pourrait pas proprement parler d'un "oubli" de ce domaine ou de cette période, perdu quelque part dans le temps, puisqu'il ne s'agit pas d'une existence passée dans cette patrie dite de l'Être. Pourquoi dès lors, continuer de parler de cet ineffable, de cette origine à jamais inaccessible. Et en quel sens, comme autrement, pourrait-on parler d'oubli ?
Serait-ce le fait d'être tombé dans le temps à partir d'un mode, mais de quoi?, de présence?, d'in-sistance? Et en quel sens "antérieur" au temps ? Problème : une sorte d'aventure nous aurait précipité dans l'oubli, cet oubli de la patrie originelle mais dès lors cachée ? Est-ce une expérience identifiable, chez nous, de ne se sentir nulle part chez soi, en exil insondable ?
Pour le moment tout ce que j'y vois c'est l'affect pathétique, poétique, d'une insondable nostalgie. Comme si l'homme, en sa conscience ou comme un noyau, sa racine, peut-être, sentait qu'il n'était pas d'ici, originaire et habitant ordinaire de ce monde des temporalités et que son destin était de retourner vers l'Éternel...
Mais cela rend un ton exactement biblique. Et c'est ce qui agace, chez les Juifs, par exemple, "le peuple Élu" : ils prétendent avoir LA réponse, révélée à eux, et uniquement par préférence. Élection. Cela n'a pas fini de faire des jaloux, et pas seulement l'Islam, qui est en fait une réaction de contre-révélation. Maturité zéro, genre : mon Père est plus fort que le Tien ! C'est pourquoi il y a une lutte à finir entre ces deux con-traditions.
Mais plus haut, dans cette Lettre sur l'humanisme, p. 77, il était pourtant dit que "L`Etre" -- ce n'est ni Dieu, ni un fondement du monde. Mais alors, qu'est-ce que "c'est" ? Une volonté -par exemple de mise à l'abri du fait d'être?-, une provenance? un affect? une vision? ou encore, un désir!? Humain, trop humain : car toute volonté désire, ô profondément l'éternité. Selon la parole de Zarathoustra.
Est-ce uniquement la modernité qui expérimente cette absence de patrie ? Mais cela serait nouveau, et non pas ancien ou immémorial, que l'esprit ne soit pas rendu à bon port et ne soit pas parvenu à s'assurer de son être. Le déracinement comme mode d'existence, moderne, dans les villes, crée de nouveaux désirs... d'enracinement ?
Difficile liberté. Le destin de la grande majorité des humains est de la fuir comme la peste, la sienne propre, pourtant, unique ou particulière.
Ici, donc, l'Être est caractérisé essentiellement comme "don de soi dans et par l'ouvert". Il s'agit de considérer que l'"Être" donne l'éclaircie comme son être le plus essentiel à l'homme. Dans cette perspective, cela serait imputable à l'"Être" si l'être même fondamental de l'homme doit être d'habiter l'éclaircie de l'Être, ou la clairière (jolie métaphore par laquelle j'entends, mettons, l'ensemble des possibilités de la conscience ou l'univers de l'ensemble des consciences possibles) ou l'ouvert (soit la possibilité même de savoir et d'être au monde, dont conscient : foisonnement de l'ensemble des phénomènes et manifestations humaines qui se détaillent en histoire et cultures, etc.).
"Peut-être le mot "est" ne peut-il se dire en rigueur que de l'Être, de sorte que tout étant n'"est" pas, ne peut jamais proprement "être"." (Ibid. p. 89) C'est à un retournement, à tout le moins de l'attention, que nous sommes conviés puisqu'il s'agirait de se placer dans la perspective où il n'y a que l'"Être" qui soit vraiment et pleinement. Et perspective, le mot est faible, puisque cela serait l'idée, ici suggérée, d'une position en surplomb ou englobante de toute perspective possible, qui ont cours à partir du (ou des) domaine(s) de l'étant.
"L'avoir-lieu de l'histoire déploie son essence comme le destin de la vérité de l'être, à partir de celui-ci (...). L'être accède à son destin, en tant que Lui-même, l'Être, se donne. >(S'impose...?)< Ce qui signifie, pensé conformément à son destin : Il se donne et se refuse à la fois." (p. 91) Comme l'amour d'une femme... Non ! Mais d'une manière à la fois plus impondérable et moins capricieuse. Mais cela à a voir avec l'abri, mise en sûreté du sens dans le langage.
Suit une discussion des thèses de Hegel.
"Ce qui procède de la métaphysique absolue ne saurait être abordé et encore moins éliminé par des réfutations. On ne peut que l'accueillir en tant que sa vérité, ramenée plus originellement à l'Être lui-même, est celé en lui et soustrait à la sphère d'une opinion purement humaine."
On ne peut donc pas réfuter Heidegger. Mais il ne s'adresse qu'à quelques penseurs alors que Sartre, à la fois plus littéraire et libertaire, s'adresse à tous les hommes. Et Heidegger parle de "la lutte amoureuse des penseurs", où il ne s,agit pas d'annulation et de réfutation mais d'accompagner et de prolonger un mouvement de pensée au-delà de sa conclusion ou de son domaine de validité.
Rétrospectivement nous pouvons dire que le destin de Sartre était de susciter une responsabilisation accrue de son historicité par l'homme ; alors que celui de Heidegger serait d'attirer l'attention sur l'arrière-plan de tout ce dont nous avons l'expérience, la donation "originaire" (?) qui rend "tout cela" possible. On ne peut pas réfuter une telle visée ou projet de dévoilement mais on peut lui préférer une autre attitude. D'ailleurs, Sartre pense en tout conscience et je crois lucidement à l'intérieur du domaine ouvert par Heidegger et dans le prolongement de ce dévoilement.
Exil, dériliction de l'homme moderne
Heidegger nous invite à considérer l'Être comme notre patrie d'origine et dont nous aurions été... déportés ? Mais pour autant que nous le sachions en tout cas nous n'avons pas conscience d'avoir jamais habité cette patrie, ni jamais ni à l'origine... L'allégation d'une inconscience ou d'un inconscient, voire de l'inanité de tout cet ensemble de phénomènes que l'on subsume sous la désignation de "la conscience" est irréfutable... car infalsifiable. Improuvable, pas testable ! Il conviendrait donc, à tout le moins, de se méfier...
Il n'est pas question non plus, donc, d'y revenir et l'on ne pourrait pas proprement parler d'un "oubli" de ce domaine ou de cette période, perdu quelque part dans le temps, puisqu'il ne s'agit pas d'une existence passée dans cette patrie dite de l'Être. Pourquoi dès lors, continuer de parler de cet ineffable, de cette origine à jamais inaccessible. Et en quel sens, comme autrement, pourrait-on parler d'oubli ?
Serait-ce le fait d'être tombé dans le temps à partir d'un mode, mais de quoi?, de présence?, d'in-sistance? Et en quel sens "antérieur" au temps ? Problème : une sorte d'aventure nous aurait précipité dans l'oubli, cet oubli de la patrie originelle mais dès lors cachée ? Est-ce une expérience identifiable, chez nous, de ne se sentir nulle part chez soi, en exil insondable ?
Pour le moment tout ce que j'y vois c'est l'affect pathétique, poétique, d'une insondable nostalgie. Comme si l'homme, en sa conscience ou comme un noyau, sa racine, peut-être, sentait qu'il n'était pas d'ici, originaire et habitant ordinaire de ce monde des temporalités et que son destin était de retourner vers l'Éternel...
Mais cela rend un ton exactement biblique. Et c'est ce qui agace, chez les Juifs, par exemple, "le peuple Élu" : ils prétendent avoir LA réponse, révélée à eux, et uniquement par préférence. Élection. Cela n'a pas fini de faire des jaloux, et pas seulement l'Islam, qui est en fait une réaction de contre-révélation. Maturité zéro, genre : mon Père est plus fort que le Tien ! C'est pourquoi il y a une lutte à finir entre ces deux con-traditions.
Mais plus haut, dans cette Lettre sur l'humanisme, p. 77, il était pourtant dit que "L`Etre" -- ce n'est ni Dieu, ni un fondement du monde. Mais alors, qu'est-ce que "c'est" ? Une volonté -par exemple de mise à l'abri du fait d'être?-, une provenance? un affect? une vision? ou encore, un désir!? Humain, trop humain : car toute volonté désire, ô profondément l'éternité. Selon la parole de Zarathoustra.
Est-ce uniquement la modernité qui expérimente cette absence de patrie ? Mais cela serait nouveau, et non pas ancien ou immémorial, que l'esprit ne soit pas rendu à bon port et ne soit pas parvenu à s'assurer de son être. Le déracinement comme mode d'existence, moderne, dans les villes, crée de nouveaux désirs... d'enracinement ?
Difficile liberté. Le destin de la grande majorité des humains est de la fuir comme la peste, la sienne propre, pourtant, unique ou particulière.
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jeudi 18 juin 2009
L'immédiation pathétique
Michel Henry, dans l'avant-propos à son livre sur La phénoménologie matérielle se démarque des courants à la mode (parisienne) dont il constate, dit-il, l'effondrement et se penche, par-dessus la tentative heidegerrienne, sur les problèmes de la phénoménologie, qui fournit une méthode d'investigation mais échoue à fonder sa légitimité constitutionnelle. L'effort de Husserl achoppe sur le problème de l'auto-donation, qui ne peut être réflexive, ni représentation, ni perception. Le flux existentiel ne se veut lui-même qu'à grand-peine s'il n'est pas branché sur une source (d'énergie, en quelque sorte) originaire.
L'erreur de Sartre est de chercher la solution des problèmes constitutionnels de la phénoménologie husserlienne, celui de la donation originaire dans une dialectique de l'être et du néant. Cette dialectique est pertinente dans le domaine noético-noématique, que recoupe le champ de l'intentionnalité, mais n'a rien à dire sur l'origine de la donation originaire : ni perçu, ni représenté, cet être tout d'abord obscurément pressenti, puis senti et éprouvé, c'est l'expérience faite de l'affectivité qui affleure en émotions et qui forme le socle matériel de notre être, enté sur l'organique, être senti et éprouvé avant de pouvoir même se reprendre et être voulu ; socle sur lequel un combat, une lutte incessante, une tension essentielle fera s'ériger la conscience.
Ainsi, une ontologie phénoménologique est proprement impossible tant que l'on ne s'est pas d'abord assuré de la base matérielle de cet être qui se dévoile, à la racine de toute perception, représentation et conscience : expérience d'être vivant, de respirer, de sentir le sang circuler dans ses veines, sensations et données sensorielles, impressions d'aisance relative ou d'oppression, tensions et rétentions : oxygénation du cerveau pour penser que l'intentionnalité n'est pas le tout même s'il déborde le domaine, somme toute relativement restreint de la conscience.
Un reste de présupposé réaliste chez Heidegger fait de la stimmung une irruption recluse sur l'ontique. Seulement, il arrive que le sujet critique réalise que l'être comme tel lui est inaccessible. Il reste à jamais de l'ordre de la croyance. L'intentionnalité pragmatique, qui se dispute les enjeux du monde, se méfie de tout ce qui se dit à son propos : être au monde, c'est aussi choisir de ne pas adhérer à l'inqualifiable et incertain. Le tournant vers l'être est basculement dans l'ineffable. Mystique mort-née du vingtième-siècle.
C'est dans le domaine de l'étant que les hommes vont tenter de produire, pour continuer de se développer et survivre, comme vivants et comme civilisation, le sens de l'être. Celui-ci englobant tout de dont il est question, peut-être même tout ce qui est digne de question jusqu'à la preuve du contraire --soit, par exemple, la rencontre d'une autre intelligence, voire civilisation d'origine extra-terrestre. C'est là où la philosophie, résolument phénoménologique et matérielle, ontologique existentielle et donc forcément humaniste, en tant que l'être de l'homme s'éprouve comme vivant et vulnérable, recevrait un ébranlement dont elle devra chercher à se relever. Ici encore la confrontation avec l'autre pourrait s'avérer féconde mais pas sans risques !
"La phénoménologie matérielle est capable de désigner cette substance phénoménologique invisible. Celle-ci n'est pas rien mais un affect ou, pour mieux dire, ce qui rend possible tout affect, ultimement toute affection et ainsi toute chose. La substance phénoménologique qu'a en vue la phénoménologie matérielle, c'est l'immédiation pathétique en laquelle la vie fait l'épreuve de soi -- Vie qui n'est elle-même rien d'autre que cette étreinte pathétique et, de cette façon, la phénoménalité elle-même selon le Comment de sa phénoménalisation originelle."
L'erreur de Sartre est de chercher la solution des problèmes constitutionnels de la phénoménologie husserlienne, celui de la donation originaire dans une dialectique de l'être et du néant. Cette dialectique est pertinente dans le domaine noético-noématique, que recoupe le champ de l'intentionnalité, mais n'a rien à dire sur l'origine de la donation originaire : ni perçu, ni représenté, cet être tout d'abord obscurément pressenti, puis senti et éprouvé, c'est l'expérience faite de l'affectivité qui affleure en émotions et qui forme le socle matériel de notre être, enté sur l'organique, être senti et éprouvé avant de pouvoir même se reprendre et être voulu ; socle sur lequel un combat, une lutte incessante, une tension essentielle fera s'ériger la conscience.
Ainsi, une ontologie phénoménologique est proprement impossible tant que l'on ne s'est pas d'abord assuré de la base matérielle de cet être qui se dévoile, à la racine de toute perception, représentation et conscience : expérience d'être vivant, de respirer, de sentir le sang circuler dans ses veines, sensations et données sensorielles, impressions d'aisance relative ou d'oppression, tensions et rétentions : oxygénation du cerveau pour penser que l'intentionnalité n'est pas le tout même s'il déborde le domaine, somme toute relativement restreint de la conscience.
Un reste de présupposé réaliste chez Heidegger fait de la stimmung une irruption recluse sur l'ontique. Seulement, il arrive que le sujet critique réalise que l'être comme tel lui est inaccessible. Il reste à jamais de l'ordre de la croyance. L'intentionnalité pragmatique, qui se dispute les enjeux du monde, se méfie de tout ce qui se dit à son propos : être au monde, c'est aussi choisir de ne pas adhérer à l'inqualifiable et incertain. Le tournant vers l'être est basculement dans l'ineffable. Mystique mort-née du vingtième-siècle.
C'est dans le domaine de l'étant que les hommes vont tenter de produire, pour continuer de se développer et survivre, comme vivants et comme civilisation, le sens de l'être. Celui-ci englobant tout de dont il est question, peut-être même tout ce qui est digne de question jusqu'à la preuve du contraire --soit, par exemple, la rencontre d'une autre intelligence, voire civilisation d'origine extra-terrestre. C'est là où la philosophie, résolument phénoménologique et matérielle, ontologique existentielle et donc forcément humaniste, en tant que l'être de l'homme s'éprouve comme vivant et vulnérable, recevrait un ébranlement dont elle devra chercher à se relever. Ici encore la confrontation avec l'autre pourrait s'avérer féconde mais pas sans risques !
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mardi 19 mai 2009
le temps de l'Être
Difficile de trancher dans les questions ultimes. Je songe à cette pensée, question plutôt, en provenance de la tradition bouddhiste : >>Pensez à ceci : vous considérez-vous comme un être humain qui a une expérience spirituelle ou bien plutôt comme un être spirituel qui fait l'expérience d'un être humain ?<<
Je ne sais pas pour vous mais mon sentiment intime penche nettement du côté de l'être spirituel d'abord... ce qui est nettement contraire à l'interprétation sartrienne de l'existence comme précédant l'essence. Puisque, ici, je veux croire que l'essence est fondamentalement spirituelle. Je ne saurais jamais être, donc, rigoureusement matérialiste. C'est bien embêtant pour un marxiste, révolutionnaire !? ... Mais il est peut-être trop tard pour une révolution comme telle prolétarienne !?!? Disons pour le moment que c'est un autre problème.
Il y a donc des contradictions partout, jusques et y compris à l'intérieur de mon être, de ma pensée. C'est sûr qu'on peut penser bien longtemps à regarder dans le vague. Je prenais un bain et c'est ce que je faisais lorsque j'ai vu ce que je faisais et que je me suis demandé ce que pourrais faire de plus ou autrement. Alors, quand j'entre dans le bain, je me détends mais aussi j'entre dans ma résolution : je veux avancer dans le chemin de ma pensée intérieure.
Ultimement les attitudes divergentes de Sartre et de Heidegger sont indécidables : il y a du parti-pris légitime des deux côtés. Concernant l'ensemble possible des croyances Heidegger est finalement agnostique : il ne se prononce pas de savoir laquelle de l'essence ou de l'existence doit précéder, fonder?, l'autre parce qu'il voit devoir laisser la question ouverte.
Tandis que Sartre choisit une position délibérément et radicalement athée pour laisser la place libre à l'homme de construire son monde, dont il doit se rendre complètement responsable, laissant ouverte la question de savoir s'il faut des dieux et pourquoi, si l'homme pourra un jour prétendre s'équivaloir au pouvoir d'être plus grands, plus puissants, autrement placés sur l'échelle ontologique, si une telle "échelle" est concevable. En tout cas, moi, j'arrive à l'imaginer mais je sais que cela n'est pas une preuve.
Alors je vois qu'il faut réfléchir encore un peu plus profondément pour terminer la lecture de cette fameuse Lettre sur l'humanisme. D'ailleurs j'ai été éloigné de chez moi ces derniers jours et je reviens lentement à mes occupations habituelles. Je ne suis pas un surhomme et ceux qui y prétendent ne m'ont pas encore convaincus.
À bon entendeur, salut !
Jacques Perreault, dorénavant, et non plus Ph. Ph. !
Je ne sais pas pour vous mais mon sentiment intime penche nettement du côté de l'être spirituel d'abord... ce qui est nettement contraire à l'interprétation sartrienne de l'existence comme précédant l'essence. Puisque, ici, je veux croire que l'essence est fondamentalement spirituelle. Je ne saurais jamais être, donc, rigoureusement matérialiste. C'est bien embêtant pour un marxiste, révolutionnaire !? ... Mais il est peut-être trop tard pour une révolution comme telle prolétarienne !?!? Disons pour le moment que c'est un autre problème.
Il y a donc des contradictions partout, jusques et y compris à l'intérieur de mon être, de ma pensée. C'est sûr qu'on peut penser bien longtemps à regarder dans le vague. Je prenais un bain et c'est ce que je faisais lorsque j'ai vu ce que je faisais et que je me suis demandé ce que pourrais faire de plus ou autrement. Alors, quand j'entre dans le bain, je me détends mais aussi j'entre dans ma résolution : je veux avancer dans le chemin de ma pensée intérieure.
Ultimement les attitudes divergentes de Sartre et de Heidegger sont indécidables : il y a du parti-pris légitime des deux côtés. Concernant l'ensemble possible des croyances Heidegger est finalement agnostique : il ne se prononce pas de savoir laquelle de l'essence ou de l'existence doit précéder, fonder?, l'autre parce qu'il voit devoir laisser la question ouverte.
Tandis que Sartre choisit une position délibérément et radicalement athée pour laisser la place libre à l'homme de construire son monde, dont il doit se rendre complètement responsable, laissant ouverte la question de savoir s'il faut des dieux et pourquoi, si l'homme pourra un jour prétendre s'équivaloir au pouvoir d'être plus grands, plus puissants, autrement placés sur l'échelle ontologique, si une telle "échelle" est concevable. En tout cas, moi, j'arrive à l'imaginer mais je sais que cela n'est pas une preuve.
Alors je vois qu'il faut réfléchir encore un peu plus profondément pour terminer la lecture de cette fameuse Lettre sur l'humanisme. D'ailleurs j'ai été éloigné de chez moi ces derniers jours et je reviens lentement à mes occupations habituelles. Je ne suis pas un surhomme et ceux qui y prétendent ne m'ont pas encore convaincus.
À bon entendeur, salut !
Jacques Perreault, dorénavant, et non plus Ph. Ph. !
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mardi 12 mai 2009
La mystification de l'Être
Heidegger, dans sa Lettre sur l'humanisme, écrit (p. 57) : "La métaphysique pense l'homme à partir de l'animalitas, elle ne pense pas en direction de son humanitas."
Ne peut-elle pas faire les deux ? Je veux dire, est-ce une véritable alternative ? Est-il fatal que cela soit posé comme une dichotomie ? Cette manière de penser relève de la "méthode de la division" expliquée par Platon dans son dialogue didactique Le Sophiste qui n'est encore que la forme rudimentaire de la logique.
Heidegger semble exclure la possibilité qu'une métaphysique puisse lier et faire les deux : penser l'être de l'homme à partir de l'animalitas et aussi en direction de son humanitas. Celle-ci pourrait à la fois expliquer sa provenance matérielle et son émergence mentale et psychologique en direction du spirituel : la connaissance de la forme, unique et englobante, de l'univers, peut-être même (virtuellement) infini !
Je pense que Nietzsche réalise une telle pensée, dont Heidegger ne conçoit même pas la possibilité, parce qu'il oppose trop rigidement l'animalitas et l'humanitas et ne voit pas comment l'histoire du vivant passe de l'un à l'autre.
Quand il écrit, juste après, que "l'homme ne déploie son essence qu'en tant qu'il est revendiqué par l'Être", cela n'est qu'une pétition de principe. J'y vois de l'obscurantisme et de la poudre jetée aux yeux. Des générations d'intellectuels chagrins et extatiques, en attente du mystère presque ineffable, s'y seront laisser abuser.
L'image de la clairière est séduisante, bucolique même. Cependant l'anthropogenèse ne proviendrait-elle pas d'une suite de variations dans les agencements déterminés et matériels ? L'homme ne serait pas émergence à partir d'une complexification organique et unifiante ? D'ailleurs, l'"homme" est un concept vide et abstrait car jusqu'à preuve du contraire il y a surtout des hommes et des femmes existant dans toutes leurs différences variées. Certains même hésitent entre les deux sexes de diverses manières.
Je pense que Heidegger retombe dans une des formes de l'humanisme qu'il prétend critiquer lorsqu'il coupe l'homme de toutes les autres formes étantes. C'est une résurgence sournoise de l'orgueil chrétien refoulé de sa jeunesse. L'affect majeur de la pensée-Heidegger est l'orgueil, celui de Sartre, la générosité. Jugeons l'arbre à ses fruits. Faites comme vous voulez, moi je choisis mon camp : Nietzsche, Marx et Sartre (je n'ai pas dit Freud) contre Heidegger.
Le déni de l'organique n'est pas très subtil : "Autant vaudrait prétendre enfermer dans l'énergie atomique l'essence de la nature." (p. 59) Mais la physique moderne n'a absolument rien à faire, n'a aucun usage de la notion surannée d'"essence". Voilà où pointe l'oreille de la vieille métaphysique.
Marx dit déjà, en rupture avec le vieil humanisme : "l'essence humaine n'est pas une abstraction inhérente à l'individu isolé, dans sa réalité c'est l'ensemble des rapports sociaux." (VIe thèse sur Feuerbach, traduction retouchée par moi JP). Ce qui signifie que pour émanciper les hommes, afin qu'ils deviennent pleinement humains, c'est-à-dire plus responsables de leur sort, il faut penser les formes de la société et transformer son agencement dans un sens qui élimine et pourchasse la part intolérable de l'injustice.
La notion de justice n'est pas non plus ici une essence planant dans les airs, mais elle se définit en fonction même de l'anthropogenèse : une société plus juste est celle qui donne la chance à chacun de développer ses talents et de contribuer à sa manière unique, les différences étant, plus que tolérées, reconnues comme valeur : la véritable richesse.
Diversité, richesse : oppositions, compositions : différences et affinement de la pensée sous la direction de l'affect moteur de la générosité. Ce que manque Heidegger c'est précisément le passage à travers le temps des formes de la matière de l'organique au mental et du mental au spirituel.
Dans le tournant, qui coïncide avec la dé-faite du nazisme, Heidegger se voit obligé de courber son orgueil, de jouer le jeu politique et poétique de l'humilité en quelque sorte, mais l'orgueil domine encore secrètement son œuvre de bout en bout et il restera jusqu'à la fin le donneur de leçons que les Allemands trouvent insupportable. C'est pourquoi afin de survivre philosophiquement il doit avoir recours aux Français, qui eux trouvaient insupportable la détermination sartrienne de ne pas jouer à cache cache avec sa liberté, devant la nécessité, autrement dit, de choisir son camp, sans la ressource de reporter aux calendes grecques l'improbable découverte de la vérité de l'Être.
Quand monsieur Heidegger dit que le renversement d'une proposition métaphysique reste une proposition métaphysique il ne dit pas aussi qu'il peut arriver qu'il en soit autrement. Dire que l'existence précède l'essence c'est changer le statut de l'existence si l'on dit aussi comment et pourquoi elle la précède : parce qu'elle la produit. Les seules "essences" sont produites par l'existence humaine, cette manière d'être qui construit des significations et du sens, des notions et des concepts aussi bien que des rêves et des chimères.
Et ne méprisons pas les forces qui résident, comme recelées et cachées dans les ressources renouvelées de l'imaginaire. Nous y reviendrons souvent sans doute dans cette œuvre en procès qu'est la présente publication, dans sa forme souple et tranchante.
Mais cette critique qui prétend attraper le défaut de la pensée de Sartre est formelle et stérile et ne doit pas faire illusion. Heidegger en reste au jeu de mots, renvoie à une érudition historique et se paye de formules creuses. Trop profonde ? O grand Être !
L'Être est la mystification de l'anthropogenèse, que Heidegger ne savait concevoir. La destination de l'Être qui est de destiner... le sens de l'être de l'homme, bien sûr, n'est pas une explication, c'est un procédé rhétorique circulaire. Voilà où j'en suis, pour le moment, de ma lecture de la Lettre sur l'humanisme. La suite est à venir quelque part la semaine prochaine.
Je suis pour le moment arrêté en haut de la page 81 (Aubier-Montaigne), là où Heidegger commence à expliciter son intuition de l'Être. Nous verrons si la suite amene du nouveau et qui pourrait, peut-être, renverser notre présente interprétation.
Y a-t-il, par exemple, une telle chose que "l'oubli de l'Être" ? Ou ne doit-on pas plutôt parler d'une découverte de l'univers. Gageons qu'il n'était pas d'abord connu quelque part dans l'œuf. Mais on dirait bien qu'un peu plus loin (p. 87) Heidegger confisque l'amitié de l'homme pour l'Être.
Alors, à bientôt, vous penseurs et vous aussi, simples mortels.
Ph. Ph.
Ne peut-elle pas faire les deux ? Je veux dire, est-ce une véritable alternative ? Est-il fatal que cela soit posé comme une dichotomie ? Cette manière de penser relève de la "méthode de la division" expliquée par Platon dans son dialogue didactique Le Sophiste qui n'est encore que la forme rudimentaire de la logique.
Heidegger semble exclure la possibilité qu'une métaphysique puisse lier et faire les deux : penser l'être de l'homme à partir de l'animalitas et aussi en direction de son humanitas. Celle-ci pourrait à la fois expliquer sa provenance matérielle et son émergence mentale et psychologique en direction du spirituel : la connaissance de la forme, unique et englobante, de l'univers, peut-être même (virtuellement) infini !
Je pense que Nietzsche réalise une telle pensée, dont Heidegger ne conçoit même pas la possibilité, parce qu'il oppose trop rigidement l'animalitas et l'humanitas et ne voit pas comment l'histoire du vivant passe de l'un à l'autre.
Quand il écrit, juste après, que "l'homme ne déploie son essence qu'en tant qu'il est revendiqué par l'Être", cela n'est qu'une pétition de principe. J'y vois de l'obscurantisme et de la poudre jetée aux yeux. Des générations d'intellectuels chagrins et extatiques, en attente du mystère presque ineffable, s'y seront laisser abuser.
L'image de la clairière est séduisante, bucolique même. Cependant l'anthropogenèse ne proviendrait-elle pas d'une suite de variations dans les agencements déterminés et matériels ? L'homme ne serait pas émergence à partir d'une complexification organique et unifiante ? D'ailleurs, l'"homme" est un concept vide et abstrait car jusqu'à preuve du contraire il y a surtout des hommes et des femmes existant dans toutes leurs différences variées. Certains même hésitent entre les deux sexes de diverses manières.
Je pense que Heidegger retombe dans une des formes de l'humanisme qu'il prétend critiquer lorsqu'il coupe l'homme de toutes les autres formes étantes. C'est une résurgence sournoise de l'orgueil chrétien refoulé de sa jeunesse. L'affect majeur de la pensée-Heidegger est l'orgueil, celui de Sartre, la générosité. Jugeons l'arbre à ses fruits. Faites comme vous voulez, moi je choisis mon camp : Nietzsche, Marx et Sartre (je n'ai pas dit Freud) contre Heidegger.
Le déni de l'organique n'est pas très subtil : "Autant vaudrait prétendre enfermer dans l'énergie atomique l'essence de la nature." (p. 59) Mais la physique moderne n'a absolument rien à faire, n'a aucun usage de la notion surannée d'"essence". Voilà où pointe l'oreille de la vieille métaphysique.
Marx dit déjà, en rupture avec le vieil humanisme : "l'essence humaine n'est pas une abstraction inhérente à l'individu isolé, dans sa réalité c'est l'ensemble des rapports sociaux." (VIe thèse sur Feuerbach, traduction retouchée par moi JP). Ce qui signifie que pour émanciper les hommes, afin qu'ils deviennent pleinement humains, c'est-à-dire plus responsables de leur sort, il faut penser les formes de la société et transformer son agencement dans un sens qui élimine et pourchasse la part intolérable de l'injustice.
La notion de justice n'est pas non plus ici une essence planant dans les airs, mais elle se définit en fonction même de l'anthropogenèse : une société plus juste est celle qui donne la chance à chacun de développer ses talents et de contribuer à sa manière unique, les différences étant, plus que tolérées, reconnues comme valeur : la véritable richesse.
Diversité, richesse : oppositions, compositions : différences et affinement de la pensée sous la direction de l'affect moteur de la générosité. Ce que manque Heidegger c'est précisément le passage à travers le temps des formes de la matière de l'organique au mental et du mental au spirituel.
Dans le tournant, qui coïncide avec la dé-faite du nazisme, Heidegger se voit obligé de courber son orgueil, de jouer le jeu politique et poétique de l'humilité en quelque sorte, mais l'orgueil domine encore secrètement son œuvre de bout en bout et il restera jusqu'à la fin le donneur de leçons que les Allemands trouvent insupportable. C'est pourquoi afin de survivre philosophiquement il doit avoir recours aux Français, qui eux trouvaient insupportable la détermination sartrienne de ne pas jouer à cache cache avec sa liberté, devant la nécessité, autrement dit, de choisir son camp, sans la ressource de reporter aux calendes grecques l'improbable découverte de la vérité de l'Être.
Quand monsieur Heidegger dit que le renversement d'une proposition métaphysique reste une proposition métaphysique il ne dit pas aussi qu'il peut arriver qu'il en soit autrement. Dire que l'existence précède l'essence c'est changer le statut de l'existence si l'on dit aussi comment et pourquoi elle la précède : parce qu'elle la produit. Les seules "essences" sont produites par l'existence humaine, cette manière d'être qui construit des significations et du sens, des notions et des concepts aussi bien que des rêves et des chimères.
Et ne méprisons pas les forces qui résident, comme recelées et cachées dans les ressources renouvelées de l'imaginaire. Nous y reviendrons souvent sans doute dans cette œuvre en procès qu'est la présente publication, dans sa forme souple et tranchante.
Mais cette critique qui prétend attraper le défaut de la pensée de Sartre est formelle et stérile et ne doit pas faire illusion. Heidegger en reste au jeu de mots, renvoie à une érudition historique et se paye de formules creuses. Trop profonde ? O grand Être !
L'Être est la mystification de l'anthropogenèse, que Heidegger ne savait concevoir. La destination de l'Être qui est de destiner... le sens de l'être de l'homme, bien sûr, n'est pas une explication, c'est un procédé rhétorique circulaire. Voilà où j'en suis, pour le moment, de ma lecture de la Lettre sur l'humanisme. La suite est à venir quelque part la semaine prochaine.
Je suis pour le moment arrêté en haut de la page 81 (Aubier-Montaigne), là où Heidegger commence à expliciter son intuition de l'Être. Nous verrons si la suite amene du nouveau et qui pourrait, peut-être, renverser notre présente interprétation.
Y a-t-il, par exemple, une telle chose que "l'oubli de l'Être" ? Ou ne doit-on pas plutôt parler d'une découverte de l'univers. Gageons qu'il n'était pas d'abord connu quelque part dans l'œuf. Mais on dirait bien qu'un peu plus loin (p. 87) Heidegger confisque l'amitié de l'homme pour l'Être.
Alors, à bientôt, vous penseurs et vous aussi, simples mortels.
Ph. Ph.
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mercredi 6 mai 2009
S'expliquer avec l'allemand
Les heideggeriens m'énervent, et pourtant je ne suis pas un ennemi de la pensée heideggerienne ! Ils entretiennent toujours les mêmes malentendus mais savamment mis en scène. Jusqu'à Gérard Guest (Gégé pour les intimes) qui refait le contresens, dans ses conférences consultées sur le site Parole des Jours (de Zagdanski) d'imputer la "mauvaise traduction" du dasein, "l'être (le)-là", dit-il, en "réalité humaine" à Sartre, dont le travail aurait influencé Corbin, tout cela rigoureusement "contemporain" disait-il. Dommage, je suivais avec espoir l'entreprise de lecture de Gégé et cette attente était confortée par sa recherche d'une "phénoménologie de l'extrême", que je pense trouver précisément chez Sartre.
Alors, tout cela me force à réouvrir à nouveaux frais cette polémique autour de la Lettre sur l'humanisme qui n'en finit plus, comme celle-ci, la Lettre, n'en finit plus de faire pièce à la (mauvaise) conférence de "L'existentialisme est un humanisme", prétendant dans le processus disposer, en le caractérisant, de l'ensemble de l'œuvre de Sartre.
Il me faut 1) relire cette Lettre sur l'humanisme, en résonance, comme l'indique Gégé, avec Holzweig et les Beitrage, 2) reprendre le contexte de constitution de L'Être et le Néant, toute la première manière sartrienne avec, bien antérieur l'article introductif de Corbin, examiner des prolongements de la polémiques, chez 3) Sloterdijk, notamment dans "Règles pour le parc humain" et "Éclaircissements sur l'éclaircie", 4) réexaminer le dossier monté par Meschonnic, après celui de Temps Modernes, dans sa critique du rythme heideggerien.
Le rendu du Dasein par une métaphore alors que l'on introduit pratiquement, en fait, pour une première fois en France la pensée de Heidegger qui s'engage à faire s'expliquer l'allemand (philosophiquement)n'est pas une si mauvaise chose, puisqu'il n'est pas question d'emblée de se situer à l'intérieur d'une pensée encore inconnue. Sartre survient ensuite, travaille bien plus tard, pas avant son séjour à Berlin en 1934, sur les textes de Husserl surtout mais aussi de Heidegger et commence à questionner ce qui advient de et par ladite réalité humaine.
Ensuite se déroulera toute cette histoire de la réception en France et des différentes tentatives d'appropriation de la pensée heideggerienne en ses différentes inflexions, avec l'ironie surjacente de Nietzsche, partout présente et qui se mêle finalement de ne pas vouloir ou la paix, dans l'"innocence du devenir".
Tout ce vacarme parle allemand et le mérite de Heidegger est certainement d'avoir amené cette langue à s'expliquer, sur les problèmes et avec les questions fondamentales. Je demeure convaincu que la langue royale de la philosophie après le grec sera le français, qui permet de se sortir des impasses de la forêt épaisse, car véhicule de la clarté la plus propre à décrire et maintenir l'ouvertude en l'éclaircie. Mais pour en arriver à ce résultat, il aura fallu en passer par l'explication avec l'allemand en tant que langue pensante.
Alors, tout cela me force à réouvrir à nouveaux frais cette polémique autour de la Lettre sur l'humanisme qui n'en finit plus, comme celle-ci, la Lettre, n'en finit plus de faire pièce à la (mauvaise) conférence de "L'existentialisme est un humanisme", prétendant dans le processus disposer, en le caractérisant, de l'ensemble de l'œuvre de Sartre.
Il me faut 1) relire cette Lettre sur l'humanisme, en résonance, comme l'indique Gégé, avec Holzweig et les Beitrage, 2) reprendre le contexte de constitution de L'Être et le Néant, toute la première manière sartrienne avec, bien antérieur l'article introductif de Corbin, examiner des prolongements de la polémiques, chez 3) Sloterdijk, notamment dans "Règles pour le parc humain" et "Éclaircissements sur l'éclaircie", 4) réexaminer le dossier monté par Meschonnic, après celui de Temps Modernes, dans sa critique du rythme heideggerien.
Le rendu du Dasein par une métaphore alors que l'on introduit pratiquement, en fait, pour une première fois en France la pensée de Heidegger qui s'engage à faire s'expliquer l'allemand (philosophiquement)n'est pas une si mauvaise chose, puisqu'il n'est pas question d'emblée de se situer à l'intérieur d'une pensée encore inconnue. Sartre survient ensuite, travaille bien plus tard, pas avant son séjour à Berlin en 1934, sur les textes de Husserl surtout mais aussi de Heidegger et commence à questionner ce qui advient de et par ladite réalité humaine.
Ensuite se déroulera toute cette histoire de la réception en France et des différentes tentatives d'appropriation de la pensée heideggerienne en ses différentes inflexions, avec l'ironie surjacente de Nietzsche, partout présente et qui se mêle finalement de ne pas vouloir ou la paix, dans l'"innocence du devenir".
Tout ce vacarme parle allemand et le mérite de Heidegger est certainement d'avoir amené cette langue à s'expliquer, sur les problèmes et avec les questions fondamentales. Je demeure convaincu que la langue royale de la philosophie après le grec sera le français, qui permet de se sortir des impasses de la forêt épaisse, car véhicule de la clarté la plus propre à décrire et maintenir l'ouvertude en l'éclaircie. Mais pour en arriver à ce résultat, il aura fallu en passer par l'explication avec l'allemand en tant que langue pensante.
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samedi 14 mars 2009
philosopher par gros temps
Philosopher à l'ère des catastrophes... Cela n'est pas évident. Dans les époques de calme apparent la préoccupation philosophique, le souci des "grandes questions" passe facilement pour une sorte de maladie mentale et déjà Aristote avait ses théories sur la mélancolie des hommes de génie. Mais c'est une création de la tradition philosophique occidentale que de considérer que l'histoire humaine est une et de bout en bout.
Et vous, n'avez-vous pas l'impression qu'il serait intéressant de savoir à quel bout nous en sommes ? Dans l'époque où nous sommes, celle des catastrophes approchantes et qui plus est, pour ce que nous en savons, catastrophes qui sont de notre propre fait, dans l'étalement massif de notre style de civilisation.
Ni au début, peut-être pas à la fin mais... au beau milieu d'une crise qui est plus qu'une simple crise de croissance, plus qu'une crise du concept même de la croissance : les économistes clairvoyants, comme les écologistes nous disent que la croisssance, telle du moins que nous la connaissons, n'est absolument pas soutenable.
Il n'est vraiment pas exagéré de dire que cette crise, que je croyais jadis être celle de l'adolescence de l'humanité est, plus exactement une crise existentielle où c'est la question de la poursuite dans l'existant qui est posée, soit le mode panique de la question souvent trop "pausée" de l'être. Le thème du tragique, ici, de l'existence humaine dans cette histoire sur cette planète, pas la seule et de loin!, est celui introduit par le génie sensitif que fut William Shakespeare. Mais la traduction qu'on nous propose est édulcorée, elle-même faite à partir du passage original en anglais où la ponctuation est défectueuse, ce qui détruit la radicalité du sens de la question qui est posée. Nous croyons qu'il faille lire :
"Être ou ne pas... mais être!, oui, voilà ce dont il s'agit !" C'est le moment crucial de la décision d'être, largement volontariste, qui voit la naissance du sujet moderne qui selon nous traduit plus nettement le problème posé par l'énoncé anglais à la ponctuation correcte : "To be or not... To be! That is the question!"
"The question" pas dans la sens contemplatif de l'intellectuel parisien, mais "l'affaire" en question, dans le sens hyperactif du businessman londonien. Dans cette scène, qui tente de reprendre et d'assumer son être presque au niveau du choix originel, Hamlet se décide de combattre : pour récupérer l'exercice du pouvoir, il met ses fantômes derrière lui et se détermine à "vouloir le rien plutôt que de ne rien vouloir", ce qui est la définition selon Nietzsche du nihilisme actif.
Il y a plus de trente ans que je me tue, littéralement, à dire que la question qui se pose à cette époque où j'ai eu la chance de naître est une question existentielle de la décision d'être mais pour toute l'humanité, et je l'ai fait avec mes obscurités, quitte à m'engager dans une vie personnelle malheureuse. (Avec obsession sexuelle mais tristement incapacité à communiquer mon désir). Voilà pour la confession personnelle.
Mais aujourd'hui, où nous nous trouvons au-dessous de toute vérité, tant que cette question n'aura pas été nettement posée et en partie résolue, il est tout à fait légitime de dire : je vis ici et maintenant et puisque dans trente ans il est devenu inévitable que s'installe l'enfer sur terre, où ne survivra pas même 10% de la surpopulation actuelle (parce qu'il faut nourrir tout ce monde, alors qu'il n'y aura même plus assez d'eau à boire!) mon plaisir, aussi trash soit-il est la règle absolue de ma conduite.
Cette position de nihilisme subjectif, sous-variante d'un nihilisme actif, est aujourd'hui beaucoup plus répandue que l'on ne pense. Les discours officiels et les institutions perdurantes (c'est leur fonction) excluent l'expression de cette véritable stimmung de l'époque mais ne peuvent rien contre sa dominance. Mes sympathies en passant pour ceux qui trouvent encore la ressource de faire des enfants et de s'en occuper.
Philosopher aujourd'hui, oui mais, pourquoi : pour guider l'action ou pour justifier la destruction ? La seule chose qui m'est certaine c'est que l'on ne s'en tirera pas sans l'une et l'autre. Nous allons voir, dans les années qui viennent, entre autres choses, que la conception de la rareté déployée par Sartre dans Critique de la Raison Dialectique est tout-à-fait d'actualité, horizon non seulement de pensée mais aussi de (sur)vie !
À bientôt, chers dinosaures.
Et vous, n'avez-vous pas l'impression qu'il serait intéressant de savoir à quel bout nous en sommes ? Dans l'époque où nous sommes, celle des catastrophes approchantes et qui plus est, pour ce que nous en savons, catastrophes qui sont de notre propre fait, dans l'étalement massif de notre style de civilisation.
Ni au début, peut-être pas à la fin mais... au beau milieu d'une crise qui est plus qu'une simple crise de croissance, plus qu'une crise du concept même de la croissance : les économistes clairvoyants, comme les écologistes nous disent que la croisssance, telle du moins que nous la connaissons, n'est absolument pas soutenable.
Il n'est vraiment pas exagéré de dire que cette crise, que je croyais jadis être celle de l'adolescence de l'humanité est, plus exactement une crise existentielle où c'est la question de la poursuite dans l'existant qui est posée, soit le mode panique de la question souvent trop "pausée" de l'être. Le thème du tragique, ici, de l'existence humaine dans cette histoire sur cette planète, pas la seule et de loin!, est celui introduit par le génie sensitif que fut William Shakespeare. Mais la traduction qu'on nous propose est édulcorée, elle-même faite à partir du passage original en anglais où la ponctuation est défectueuse, ce qui détruit la radicalité du sens de la question qui est posée. Nous croyons qu'il faille lire :
"Être ou ne pas... mais être!, oui, voilà ce dont il s'agit !" C'est le moment crucial de la décision d'être, largement volontariste, qui voit la naissance du sujet moderne qui selon nous traduit plus nettement le problème posé par l'énoncé anglais à la ponctuation correcte : "To be or not... To be! That is the question!"
"The question" pas dans la sens contemplatif de l'intellectuel parisien, mais "l'affaire" en question, dans le sens hyperactif du businessman londonien. Dans cette scène, qui tente de reprendre et d'assumer son être presque au niveau du choix originel, Hamlet se décide de combattre : pour récupérer l'exercice du pouvoir, il met ses fantômes derrière lui et se détermine à "vouloir le rien plutôt que de ne rien vouloir", ce qui est la définition selon Nietzsche du nihilisme actif.
Il y a plus de trente ans que je me tue, littéralement, à dire que la question qui se pose à cette époque où j'ai eu la chance de naître est une question existentielle de la décision d'être mais pour toute l'humanité, et je l'ai fait avec mes obscurités, quitte à m'engager dans une vie personnelle malheureuse. (Avec obsession sexuelle mais tristement incapacité à communiquer mon désir). Voilà pour la confession personnelle.
Mais aujourd'hui, où nous nous trouvons au-dessous de toute vérité, tant que cette question n'aura pas été nettement posée et en partie résolue, il est tout à fait légitime de dire : je vis ici et maintenant et puisque dans trente ans il est devenu inévitable que s'installe l'enfer sur terre, où ne survivra pas même 10% de la surpopulation actuelle (parce qu'il faut nourrir tout ce monde, alors qu'il n'y aura même plus assez d'eau à boire!) mon plaisir, aussi trash soit-il est la règle absolue de ma conduite.
Cette position de nihilisme subjectif, sous-variante d'un nihilisme actif, est aujourd'hui beaucoup plus répandue que l'on ne pense. Les discours officiels et les institutions perdurantes (c'est leur fonction) excluent l'expression de cette véritable stimmung de l'époque mais ne peuvent rien contre sa dominance. Mes sympathies en passant pour ceux qui trouvent encore la ressource de faire des enfants et de s'en occuper.
Philosopher aujourd'hui, oui mais, pourquoi : pour guider l'action ou pour justifier la destruction ? La seule chose qui m'est certaine c'est que l'on ne s'en tirera pas sans l'une et l'autre. Nous allons voir, dans les années qui viennent, entre autres choses, que la conception de la rareté déployée par Sartre dans Critique de la Raison Dialectique est tout-à-fait d'actualité, horizon non seulement de pensée mais aussi de (sur)vie !
À bientôt, chers dinosaures.
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lundi 2 février 2009
retour
L'ouverture l'an dernier n'était pas un faux départ. Seulement je n'ai pas pu trouver le temps et le moyen de continuer à publier. Maintenant je me sens prêt à prendre un nouveau départ. L'objectif étant d'avancer, mettre en forme, organiser, une réflexion sur la question du sujet. Cette question me semble, actuellement, brûlante et stratégique. La décantation depuis l'an passé me permet d'affirmer que les fidélités qui comptent dans ma vie vont d'abord à Sartre, le personnage, la prestance inénarrable de la personne dans sa vie oui, certainement, mais plus fondamentalement à sa pensée, dont la tension essentielle nous parle encore, aujourd'hui et demain sans doute, dans l'urgence.
L'autre référence importante ici est Nietzsche. C'est le penseur des limites qui cherche son chemin à travers le chaos. C'est lui qui a perçu les abîmes sur lesquels se dresse l'arche chétive de l'existence dite consciente et a su décrire l'illusion de la culture comme une rêverie en commun. Nous sommes tous des lotophages !
Je me méfie de plus en plus de Heidegger, ainsi que de Freud et Lacan, de Foucault ainsi que de bien d'autres, dont Zizek, évidemment.
La discussion la plus féconde me semble devoir se poursuivre du côté de Badiou et aussi Negri concernant la situation actuelle du sujet dans le monde et les intrications nouvelles et moins nouvelles des contextes politiques.
L'autre référence importante ici est Nietzsche. C'est le penseur des limites qui cherche son chemin à travers le chaos. C'est lui qui a perçu les abîmes sur lesquels se dresse l'arche chétive de l'existence dite consciente et a su décrire l'illusion de la culture comme une rêverie en commun. Nous sommes tous des lotophages !
Je me méfie de plus en plus de Heidegger, ainsi que de Freud et Lacan, de Foucault ainsi que de bien d'autres, dont Zizek, évidemment.
La discussion la plus féconde me semble devoir se poursuivre du côté de Badiou et aussi Negri concernant la situation actuelle du sujet dans le monde et les intrications nouvelles et moins nouvelles des contextes politiques.
jeudi 17 avril 2008
Noms
Un moment je me suis demandé pourquoi Zizek ne mentionnait jamais le nom de Sartre, qui m'est cher, alors qu'un Sloterdijk, lui, le fait volontiers et, comme il fait souvent, il le fait brillamment.
Bien, la différence entre ces deux auteurs, qui me semblent tous les deux importants dans le champ de la philosophie contemporaine, passe par leur attitude vis-à-vis du lacanisme.
Zizek ne jure que par Lacan, apparemment, alors que Sloterdijk entretient une méfiance attentive vis-à-vis de tout ce qui provient du docteur Jacques Lacan.
C'est donc sur le thème du Sujet qu'opère un diviseur dont le rapport, positif ou évité à Sartre, n'est qu'un symptôme.
Sujet de la Vie, sujet de la pensée. Sujet de la Science, sujet du discours... Le problème de la Théorie du Sujet sera un des thèmes ici, sur ce blog d'orientation philosophique et phénoménologique, tout à fait au centre des réflexions, tentatives, etc.
Dont voici le coup d'envoi.
À bientôt !
Bien, la différence entre ces deux auteurs, qui me semblent tous les deux importants dans le champ de la philosophie contemporaine, passe par leur attitude vis-à-vis du lacanisme.
Zizek ne jure que par Lacan, apparemment, alors que Sloterdijk entretient une méfiance attentive vis-à-vis de tout ce qui provient du docteur Jacques Lacan.
C'est donc sur le thème du Sujet qu'opère un diviseur dont le rapport, positif ou évité à Sartre, n'est qu'un symptôme.
Sujet de la Vie, sujet de la pensée. Sujet de la Science, sujet du discours... Le problème de la Théorie du Sujet sera un des thèmes ici, sur ce blog d'orientation philosophique et phénoménologique, tout à fait au centre des réflexions, tentatives, etc.
Dont voici le coup d'envoi.
À bientôt !
Phil Phantasio
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