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jeudi 18 juin 2009

L'immédiation pathétique

Michel Henry, dans l'avant-propos à son livre sur La phénoménologie matérielle se démarque des courants à la mode (parisienne) dont il constate, dit-il, l'effondrement et se penche, par-dessus la tentative heidegerrienne, sur les problèmes de la phénoménologie, qui fournit une méthode d'investigation mais échoue à fonder sa légitimité constitutionnelle. L'effort de Husserl achoppe sur le problème de l'auto-donation, qui ne peut être réflexive, ni représentation, ni perception. Le flux existentiel ne se veut lui-même qu'à grand-peine s'il n'est pas branché sur une source (d'énergie, en quelque sorte) originaire.

"La phénoménologie matérielle est capable de désigner cette substance phénoménologique invisible. Celle-ci n'est pas rien mais un affect ou, pour mieux dire, ce qui rend possible tout affect, ultimement toute affection et ainsi toute chose. La substance phénoménologique qu'a en vue la phénoménologie matérielle, c'est l'immédiation pathétique en laquelle la vie fait l'épreuve de soi -- Vie qui n'est elle-même rien d'autre que cette étreinte pathétique et, de cette façon, la phénoménalité elle-même selon le Comment de sa phénoménalisation originelle."

L'erreur de Sartre est de chercher la solution des problèmes constitutionnels de la phénoménologie husserlienne, celui de la donation originaire dans une dialectique de l'être et du néant. Cette dialectique est pertinente dans le domaine noético-noématique, que recoupe le champ de l'intentionnalité, mais n'a rien à dire sur l'origine de la donation originaire : ni perçu, ni représenté, cet être tout d'abord obscurément pressenti, puis senti et éprouvé, c'est l'expérience faite de l'affectivité qui affleure en émotions et qui forme le socle matériel de notre être, enté sur l'organique, être senti et éprouvé avant de pouvoir même se reprendre et être voulu ; socle sur lequel un combat, une lutte incessante, une tension essentielle fera s'ériger la conscience.

Ainsi, une ontologie phénoménologique est proprement impossible tant que l'on ne s'est pas d'abord assuré de la base matérielle de cet être qui se dévoile, à la racine de toute perception, représentation et conscience : expérience d'être vivant, de respirer, de sentir le sang circuler dans ses veines, sensations et données sensorielles, impressions d'aisance relative ou d'oppression, tensions et rétentions : oxygénation du cerveau pour penser que l'intentionnalité n'est pas le tout même s'il déborde le domaine, somme toute relativement restreint de la conscience.

Un reste de présupposé réaliste chez Heidegger fait de la stimmung une irruption recluse sur l'ontique. Seulement, il arrive que le sujet critique réalise que l'être comme tel lui est inaccessible. Il reste à jamais de l'ordre de la croyance. L'intentionnalité pragmatique, qui se dispute les enjeux du monde, se méfie de tout ce qui se dit à son propos : être au monde, c'est aussi choisir de ne pas adhérer à l'inqualifiable et incertain. Le tournant vers l'être est basculement dans l'ineffable. Mystique mort-née du vingtième-siècle.

C'est dans le domaine de l'étant que les hommes vont tenter de produire, pour continuer de se développer et survivre, comme vivants et comme civilisation, le sens de l'être. Celui-ci englobant tout de dont il est question, peut-être même tout ce qui est digne de question jusqu'à la preuve du contraire --soit, par exemple, la rencontre d'une autre intelligence, voire civilisation d'origine extra-terrestre. C'est là où la philosophie, résolument phénoménologique et matérielle, ontologique existentielle et donc forcément humaniste, en tant que l'être de l'homme s'éprouve comme vivant et vulnérable, recevrait un ébranlement dont elle devra chercher à se relever. Ici encore la confrontation avec l'autre pourrait s'avérer féconde mais pas sans risques !

mercredi 10 juin 2009

phénoménologie

Presque tous les auteurs dont nous avons discuté jusqu'ici ont quelque chose à voir avec le courant principal --quant à nous-- de la philosophie au XXe siècle et qui se nomme phénoménologie.

Historiquement, Edmund Husserl en est le fondateur mais ce type d'approche remonte à souvent très loin dans le passé, disons jusqu'à Platon et aux stoïciens et des auteurs / philosophes importants comme Nietzsche et Hegel, même Marx, par exemple, ne sont pas exempts de racines voire points de contact importants en commun avec ce courant de pensée.

C'est donc dans un esprit d'éclaircissement que nous voulons introduire le travail d'un autre, et non nouvel, auteur qui s'inscrit expressément dans cette mouvance. Il s'agit de Michel Henry.

Celui-ci veut radicaliser le décollage initial de la pensée phénoménologique, s'attache à cerner son "objet" qui est selon lui l'apparaître, un drôle d'objet, donc, qui est fait de la substance même du sujet, dans son oeuvre majeure, L'Essence de la Manifestation, et aussi dans le recueil de la Phénoménologie Matérielle.

Cela sera ici un peu comme notre "Question de Méthode", où il sera temps de discuter de la stratégie d'appréhension des principaux problèmes que nous proposons d'aborder dans la suite des jours et la succession de ces billets.

Dans l'avant-propos à Phénoménologie Matérielle, notre auteur écrit : "C'est paradoxalement la vie qui en soi ne se réfère à rien d'autre, qui fournit le milieu où s'accomplit toute intersubjectivité possible. Et le paradoxe est moins grand qu'il n'y paraît si c'est dans l'épreuve d'une subjectivité radicalement immanente que la vie parvient en soi, s'empare de son être propre."

Dans ce passage, qui rétrospectivement pourrait passer pour l'énoncé du programme au moins implicite qui nous a conduit à choisir notre titre (celui du blog et donc de toute notre entreprise de recherche et réflexions), se détermine un autre départ que privilégient tous ceux, dont Heidegger, qui prétendent initier la rupture phénoménologique par la considération (et la mise en question) de l'être, qui serait plus fondamental et dont dépendrait la vie.

Comment prétendre parler de l'être ou pire encore faire parler l'être s'il est mort et que seulement la vie, une forme de vie peut lui prêter et faire entendre parole, toute parole ? On voit que la première difficulté ici serait d'expliciter l'intuition forte de ce que serait, fondamentalement, la vie dont dépendrait tout apparaître.