samedi 18 décembre 2010

Sartre!

(E-mail à un jeune ami, du 16 décembre 2010)

Bonjour Julien, Je viens de voir ton message. Cette adresse n'est pas mon courriel principal. Je ne pense à le consulter que de temps en temps. Ta question a l'air toute simple comme ça. mais c'est une question ouverte. Il faudrait que j'en connaisse un peu sur toi pour te faire une réponse adaptée.

Par exemple, moi, je suis un Québécois, j'ai eu la chance d'aller un an à Paris, il y a longtemps, en 1976 pour tout dire, pour étudier principalement la philosophie. J'étais marxiste à l'époque et sévissait Althusser. J'ai suivi les cours de Badiou, sur les dialectiques et j'avais beaucoup apprécié. C'est de retour au Québec que j'ai senti le besoin d'élargir le champ des questions et que je me suis servi de Sartre pour contourner le dogmatisme de la plupart des marxistes. Mais je suis tombé en amour avec sa pensée, c'est pourquoi j'ai fait mon mémoire de maîtrise sur lui : La mesure de l'impossible -étude de la notion de liberté dans l'œuvre philosophique et autobiographique de Sartre. "La vie et l'œuvre", quoi! L'engagement, la définition de l'intellectuel dans son rôle politique, sa relation à la société.

Après j'ai poursuivi mes lectures et réflexions, je suis allé beaucoup du côté de Nietzsche et contre, tout contre Heidegger. Sentimentalement, Sartre demeure mon préféré. Mais sa morale pratique est trop exigeante pour un petit bourgeois un peu paresseux et qui préfère sauvegarder un peu de confort. Bien sûr je ne parle pas de toi, je ne te connais pas, je parle de moi.

De par sa formation, Sartre est un hégélien rebelle. C'est la révolte de Kierkegaard contre le Système qu'il épouse, le privilège de l'individuel qui touche le concret de l'expérience de vivre, l'existence, contre les pesantes abstractions conceptuelles de "l'universel". Intellectuellement, pour contrer la métaphysique, il adopte la méthode de Husserl, il se fait phénoménologue. Examen et analyse des actes de conscience, réduire l'incertitude, fonder l'évidence : c'est là la quincaillerie de la production de vérités.

Mais il rencontre Heidegger sur son chemin. Voilà un autre genre de phénoménologue. Sartre part de l'expérience humaine de vivre, une vie individuelle, irréductiblement concrète et se battra toute sa vie contre l'aliénation de l'être de l'homme à l'Être, abstraction suprême. L'existentialisme prend le contre-pied de l'essentialisme, dont la pensée de Platon est l'archétype, celle de Heidegger l'achèvement ultime.

Les heideggeriens, acharnés, comme il y en a beaucoup en France, hallucinés, ne reconnaîtrons jamais cette critique, très simple au fond, trop simple ? Heidegger prétend dépasser la métaphysique en surenchérissant sur l'abstraction qui est le procédé métaphysique par excellence. C'est absurde, et risible, quand on y pense... Mais que doit faire un humain, concrètement, pour trouver grâce aux yeux de l'Être ? Poser ainsi la question nous fait voir, il me semble, immédiatement son absurdité. Sartre parle d'une totalisation, ou synthèse d'enveloppement, qui n'est jamais totalitaire, ou achevée.

Mais comme Marx reconnaissait que la dialectique idéaliste de Hegel digérait pas mal de matériel, Sartre admet que l'essentialisme de Heidegger ingère passablement de concret et décrit, thématise (fait entrer dans le domaine du commentaire philosophique) des pans entiers de l'expérience de vivre de l'homme moderne, aux prises avec la déshumanisation par la technique et la lancinante question du sens (de tout ceci, de la vie, de cette civilisation affolée qui ne s'organise pas pour durer...

Mais revenir au passé, retrouver une sorte authentique de "donation originaire" du "sens de l'Être" n'offre pas une solution intéressante ou progressiste, pour Sartre. Il reconnaît l'homme comme "condamné à la liberté", c'est-à-dire contraint d'inventer ses nouveaux chemins et pour cela il faut s'entendre et s'organiser pour construire l'avenir. L'être pour-soi, spontanément individualiste, devient collectiviste pour proposer et collaborer (à) des solution crédibles aux problèmes exacerbés.

Alors, pour bien lire Sartre, première chose, il faut se méfier des abstractions. À leur propos, Sartre se veut le plus simple possible, et tranchant. Comme pour Nietzsche, chez lui il n'y plus de place pour des "arrière-monde". Tout ce dont il s'agit est là, sous nos yeux, ou donné de quelque manière. Le pour-soi est mon expérience. Sartre nous invite toujours à vérifier en nous-mêmes pour sentir la véracité (ou non) de sa démonstration. Il se lance à la recherche de l'être, il découvre le néant, il cherche la durée, il trouve le temps fuyant, évanescent, complexe, problématique (les trois extases temporelles, etc.) il cherche la vérité et il tombe sur la liberté. C'est l'angoisse.

Il refuse la mauvaise foi, la complicité malsaine, il ne prend rien pour acquis. Sa réflexion apparemment théorique (truffée de notions et de concepts) est pétrie de morale. Il exige de son lecteur un engagement envers la recherche de la vérité en même temps qu'un parti-pris envers la solidarité humaine. Puisque la vérité n'est pas donnée, jamais toute faite (dogmes et religions sont à ce titre nuls et absolument non pertinents) il nous faut, humains, la faire ensemble, prouvant ainsi, du même coup, la vérité de notre être.

Je te lance ça comme ça me vient, ne sachant pas encore ce que tu veux savoir. En tout cas, prérequis: connaissance de base de la phénoménologie, comme méthode d'investigation de l'expérience. Ensuite, attention soutenue, une certaine culture littéraire on va dire classique est aussi utile sinon tout à fait nécessaire (Sartre fait constamment allusion aux grands auteurs, pas seulement français) goût de la réflexion, souplesse dialectique, ouverture au monde (compassion) et passion pour la liberté ou la vérité : finalement ces deux notions reviennent au même chez Sartre : quête infinie, ouverture, remise en question et critique perpétuelle. Interroge ton expérience.

Je te remercie de m'avoir fourni cette occasion de réactualiser ma perception de Sartre, l'homme, le penseur, déjà largement méconnu aujourd'hui. Si tu veux en savoir plus, il faudra m'en dire plus.

Tu peux aussi questionner ou commenter sur mes blogs, celui-là, dont je pense à changer le titre, ou sur les autres, selon ta fantaisie. J'utilise 6 blogs en fait, dont tu peux suivre les liens sur "Prégnances...

Alors, salut ! Bon courage et à bientôt, peut-être. Bien connaître Platon est un excellent point de départ. Je ne connais pas bien Schopenhauer, seulement ce qu'en dit Nietzsche. Mais en tout cas il ne suffit pas de lire, il faut aussi savoir réfléchir, se questionner en soi-même, sur soi-même. Question d'ouverture, disponibilité et talent, aussi.

Jacques Perreault

mercredi 1 décembre 2010

-------------- Attitude interrogative ? --- Angoisse ?

Questionner, se mettre en quête, sortir de soi, c’est l’errance. Peut-être sera-t-elle sans fin ? Questionner c’est errer, se mettre de travers, se fourvoyer dans l’erreur. À moins que la question revienne sur soi, opère un retour chez soi, sur elle-même, que la question porte sur elle-même, sur son être et sur l’être qui la porte, sur l’être du questionneur. Le questionneur se questionne sur son être, qui n’est pas essentiellement l’être de la question, puisqu’il réalise bientôt qu’il n’aurait jamais dû sortir de chez soi. Là où commence l’errance, virtuellement sans fin, de par le monde, par les premiers pas de la connaissance.

Ni la question ni l’angoisse qui me jette hors de moi, me fait courir les routes, de la douleur et de la peur, du besoin et du profit, les chemins sans fin de l’intérêt ; ni la question ni l’angoisse ne touchent à l’essence de mon être. Cette liberté qui se questionne et qui s’angoisse, elle est toute intérieure, immanente. Elle est à la source, non-savoir et par là même essence immédiate et pleinement réelle, être véritable.

La question de l’être est une duperie. La liberté qui s’angoisse, un épouvantail. La liberté qui reste chez elle réalise qu’elle ne s’était jamais quittée. Seulement peut-être un peu oubliée, de ci de là, dans des pérégrinations imposées, comme des épreuves qui ne prouvent rien. À l’épreuve de soi-même seulement l’on s’aperçoit que l’on a erré. Fini le temps errance, voici venu l’ivresse joyeuse qui demeure.

samedi 20 novembre 2010

été indien (or, A little bird named Yezi)

(Écrit sur mon balcon au soleil le mardi 16 novembre 2010.)

Nous vivons maintenant les plus belles journées d’un été indien tardif, cette année… qu’est-ce que je peux faire de toute cette splendeur? être réceptif d’abord, m’emplir à raz-bord de cette bénédiction. Je lève les yeux au ciel, évitant de défier le soleil du regard, il me crèverait les yeux, Apollon, de sa flèche assassine!

Tout est bleu sattvique, pas un nuage dans tout ce ciel où l’on respire comme une impression de liberté sans limite. L’air est léger, d’une toute petite fraîcheur, il coule naturellement et te dit qu’il est l’ami de tes poumons et sa visite fréquente, rythmée, répétée donne la vie, l’énergie de consumer dans la claire conscience et la joie et la peine et ce soleil qui me cogne sur le caillou comme un guru à ma porte. Il me dit qu’il peut lui aussi déjà brûler et purifier jusqu’aux scories attardées de mon âme, des poumons au sang clair, des poumons au cœur pur et du soleil jusqu’à l’âme la splendeur d’en-haut éclaire, stimule, éveille la splendeur d’en-bas qui se retrouvera comme le Soi, ouverture, image vivante, miroir cosmique, source de vie divine.

brûlent, brûlent les scories de mon âme

chante chante la chanson de la vie

car la Joie est Divine

un petit oiseau me l’a dit!



Dans ma méditation guillerette au soleil, des pensées poussent comme des légumes, beaux, grands, blancs, nourrissant, avec des fleurs de toutes les couleurs, et en cet instant de sérénité, les malheurs du monde ne m’atteignent pas (qu’il se suffise à lui-même, le monde, et je suivrai mon chemin) — Se dit la part en moi du penser égoïste — dans les rivières de vérité, plusieurs ruisseaux coulent en même temps.

Puisque j’en ai ces jours derniers cruellement manqué, je fais le plein de toute cette joie offerte et mon cœur dilaté chante, avec ce petit oiseau que j’ai dit (petit oiseau nommé Yezi).

lundi 15 novembre 2010

moment

Il y a un bon moment que je n'avance plus dans le domaine de la pensée. En ce domaine, comme en quelques autres, c'est un peu le marasme. J'ai essayé d'avancer dans l'écriture, avec des résultats aussi prolixes qu'indécis. La redécouverte de l'Amour a été une terrible épreuve et dont je suis ressorti meurtri, pas grandi, mais avec un sens renouvelé du sérieux de l'existence.

Je crois que la piste Michel Henry sera à prospecter et une approche aussi plus mystique des grands problèmes. Pour cela il faut regagner la position inimitable d'un cœur pur.

Il me faut encore une fois passer par une période de profonde introspection pour redéfinir ma stratégie. Tout particulièrement ce blog en souffre et je demande aux lecteurs de me pardonner. Je vous invite quand même, peut-être par acquit de conscience, de faire le tour de mes autre blogs, pour voir... eh puis, pour le moment, ce que je dis c'est "À bientôt, j'espère! ... "

mardi 2 novembre 2010

Citation du Dalai Lama --- distinction éthique / spirituel (acte)

Ethics for the new Millennium

Ch. 4 Redefining the Goal (pp. 49 à 62)

There is thus an important distinction to be made between what we might call ethical and spiritual acts. An ethical act is on where we refrain from causing harm to others' experience or expectation of happiness. Spiritual acts we can describe in terms of those qualities mentioned earlier of love, compassion, patience, forgiveness, humility, tolerance, and so on which presume some level of concern for others’ well-being. We find that the spiritual actions we undertake which are motivated not by narrow self-interest but out of our concern for others actually benefit ourselves. And not only that, but they make our lives meaningful. At least this is my experience. Looking back over my life, I can say with full confidence that such things as the office of Dalai Lama, the political power it confers, even the comparative wealth it puts at my disposal, contribute not even a fraction to my feelings of happiness compared with the happiness I have felt on those occasions when I have been able to benefit others.
Does this proposition stand up to analysis? Is conduct inspired by the wish to help others the most effective way to bring about genuine happiness? Consider the following. We humans are social beings. We come into the world as the result of other’s actions. We survive here in dependence on others. Whether we like it or not, there is hardly a moment of our lives when we do not benefit from others’ activities. For this reason, it is hardly surprising that most of our happiness arises in the context of our relationships with others. Nor is it so remarkable that our greatest joy should come when we are motivated but concerns for others. But that is not all. We find that not only do altruistic actions bring about happiness, but they also lessen our experience of suffering. Here I am not suggesting that the individual whose actions are motivated by the wish to bring others’ happiness necessarily meets with less misfortune than the one who does not. Sickness, old age, and mishaps of one sort or another are the same for us all. But the sufferings which undermine our internal peace –anxiety, frustration, disappointment—are definitely less. In our concern for others, we worry less about ourselves. When we worry less about ourselves, the experience of our own suffering is less intense.
What does this tell us? Firstly, because our every action has a universal dimension, a potential impact on others’ happiness, ethic is necessary as a means to ensure that we do not harm others. Secondly, it tells us that genuine happiness consists in those spiritual qualities of love and compassion, patience, tolerance, forgiveness, humility and so on. It is these which provide happiness both for ourselves and for others.

Here was on pages 61-2 from Ethics for the new Millenium by His Holiness The Dalai Lama, Copyright 1999, at Riverhead Books, member of Penguin Putnam Inc. 375 Hudson Street, New York, NY 10014 ISBN 1-57322-025-6

samedi 30 octobre 2010

permière neige

première neige

il faisait froid et les rapports météo annonçaient de la pluie nous en avons eu en après-midi mais en soirée ce fut la première neige cela se voit rarement en octobre ici à montréal je me souviens d’un mi-octobre il y a 18 ans mais c’était à Saint-Jérôme où j’enseignais en ce temps-là je me souviens d’avoir appelé vivi en soirée après mon cours lui disant que je l’aimais et que je lui souhaitais une bonne soirée sans moi puisque je devais rester à coucher dans une petite chambre d’hôtel miteuse pour être sur place pour mon cours du lendemain matin ce n’étais pas un temps béni puisque j’y souffrais un stress énorme de l’insomnie et subissais une sorte d’atmosphère étrangement maléfique je me souviens en particulier de l’énorme insecte qui avait échoué dans le calorifère mort mais quand même il m’avait terrorisé toute la nuit au matin j’étais livide que je me suis relevé pour aller donner mon cours je ne fonctionnais qu’à la résistance nerveuse et je m’étais quand même pas si mal débrouillé mais au long retour en autobus cet après-midi là ensoleillé j’étais épuisé et déjà pratiquement sur le point d’abandonner tous mes efforts ne portant pas fruit pour me replacer dans la vie professionnelle je n’ai jamais vraiment été ambitieux plusieurs fois je me suis laissé dépouiller de mes chances de mon bien ce billet de loto par exemple qui devait me rapporter plus de 200 000 dollars je me le suis laissé subtiliser par la caissière en fin de soirée épuisé déprimé au jean-coutu venu renouveler mes médicaments je devrais être bien plus révolté mais je suis surtout négligent paresseux et peureux je préfère le calme la paix même si elle n’est pas toujours bien honorable je ne suis pas le guerrier qu’il aurait fallu pour réussir à me tenir sur la brèche du combat pour l’existence pour un amour un foyer plus jeune constituer une famille dès le début pratiquement je savais que viviane était une voie de garage je n’aurais pas à me battre contre le monde pour conserver notre bonheur elle-même s’en chargeait à meilleurs frais avec une sorte d’aide clandestine qu’elle obtenait comme toujours à point nommé puis notre bonheur se tirait dans le pied quand on se gâchait au moins une soirée par semaine cela en serait bientôt fini de la fête tous les soirs dont nous étions si fiers elle est restée secrète et prétend tout savoir de moi m’espionnant même me neutralisant socialement et politiquement surtout et alors je sens que je ne lui dois rien puis quand nous nous sommes revus et surtout ces dernières années je voyais que j’étais brusque et amer très peu tolérant envers elle facilement agacé par se quelques manies alors j’ai vu que j’avais beaucoup de ressentiment contre elle accumulé au fond de moi nous nous sommes vues la dernière fois cela fait bien six mois au printemps elle m’avait coupé les cheveux cet automne il y a deux semaines je me ne suis coupé moi-même mais presque rasés très courts avec le ciseau quelque part en moi je continue de l’aimer comme j’ai pu l’aimer et comme j’aime toujours fidèle à mes meilleurs souvenirs comme je continue d’aimer tous ceux celles surtout que j’ai un jour aimés mais j’ai aussi beaucoup de reproches que je lui adresse intérieurement et j’ai de la haine en partie inconsciente et je m’en aperçois quand je vois combien je suis intolérant trop de choses subies que je ne veux plus que je ne peux plus endurer je vais me coucher tôt ce soir je vois que je n’ai rien à gagner en restant en éveil cette solitude m’est devenue habituelle maintenant le temps s’écoule quand même plutôt rapidement

jeudi 12 août 2010

sophistique freudienne

Je suis pleinement d'accord avec la démonstration, que je trouve sans faille, de "l'affabulation freudienne" produite par Michel Onfray, dans son livre Le crépuscule d'une idole (Éditions Grasset & Fasquelle, Paris 2010, 621p.). Ma seule critique: un peu long peut-être... mais il voulait se donner la peine d'insister, préciser les références et se rendre, sur le plan de la rigueur intellectuelle en tout cas, inattaquable.

Onfray démonte le complexe mécanisme, fonctionnant comme une machine de guerre idéologique, du verrouillage du dogme freudien digne d'une secte, par la vertu de la pensée magique:

Visite de l'arsenal. Un: toute opposition venant d'un individu non analysé est nulle et non avenue; deux : tout refoulement de l'analyse signale à coup sûr un névrosé, dont, de facto,le propos est invalide ; trois : toute critique de la psychanalyse repose sur une critique de Freud qui était juif, elle est donc toujours suspecte d'antisémitisme; quatre : toute critique émanant d'un tiers exclu du couple analyste/analysé est infondée; cinq: tout échec de la psychanalyse est imputable au patient, jamais au psychanalyste -- voir les résistance, le bénéfice de la maladie, l'échec à cause du succès, la névrose pouvant en cacher une autre : la viscosité de la libido, le tansfert négatif, la pulsion de mort, le masochisme, le désir de prouver sa propre supériorité à l'analyste; six : quand on a tout essayé pour justifier la discipline, on peut parfois envisager la fait que le psychanalyste ne soit pas encore assez psychanalyste...


La conclusion me semble claire: pour trouver les éléments d'une théorie sérieuse de la subjectivité, il faut s'intéresser à d'autres courants psychologiques que le dogmatisme opportuniste de Freud, conquistador qui a voulu gonfler sa névrose personnelle aux proportions d'une incontestable vérité universelle. Par exemple, clé de voûte, le soi-disant complexe d'Oedipe est son totem, et pas du tout notre tabou.

Enfonçant le clou, notre ami Michel Onfray termine cette quatrième section de son livre, section justement titrée "Thaumaturgie" par ce paragraphe assassin:

Avec ce genre de raisonnement, à tous les coups on gagne. Freud, la psychanalyse, les psychanalystes restent intouchables car la doctrine leur offre un statut d'extraterritorialité intellectuelle. Freud prend pour une offense personnelle toute remise en cause de la moindre de ses thèses. Comment pourrait-il en être autrement avec une personne ayant fait clairement savoir que sa vie se confondait à la psychanalyse, qu'elle s'y identifiait, qu'elle était son enfant, sa créature, sa création? Le docteur viennois prétendument débarrassé de sa psychonévrose fort grave (citation de Freud lui-même dans une lettre à Fliess, je précise, jp) en a fait un objet fusionnel. Ses disciples se prosternent depuis un siècle devant le même totem devenu tabou. Or la tâche du philosophe n'est pas de s'agenouiller devant les totems.


Oui, que dire de plus? Je vois que la statue, énorme, encombrante, au moins autant (mais en fait bien plus) que celle d'un dictateur local, doit être déboulonnée.

jeudi 5 août 2010

Bonne fête, monsieur le président!

49 ans ! Mais à cause de la marée noire, de la crise qui continue, pas trop économique... le chiffre de la popularité dans le sondage de cette semaine est plus bas... Pauvre monsieur premier président noir des États-Unis d'Amérique... En plus, il aura été privé de gâteau par ses gardes du corps, dit-il, par les services secrets et de sécurité!!! C'est pas du jeu!

C'est symbolique. Il avait été offert, ce gâteau, par les syndicalistes de L'A.F.L.-C.I.O. Je ne sais pas si je me fais des idées mais il me semble que les gens des services secrets sont en général des gens qui penchent plutôt à droite. Bon. Préjugés, encore et toujours...

Mais le président à retourné cela à son avantage en disant que c'était un plaisir de recevoir de bons amis (à la Maison Blanche) et que probablement le personnel des services secrets étaient en train de manger tout le gâteau. C'est vrai qu'ils ne sont pas très partageurs... Les budgets, les gâteaux, rien ne leur résiste !

Aujourd'hui même je peux dire que je suis de 7 ans son ainé quoique bien moins sage ! Mais je n'envie pas son sort. " Pour vivre heureux, vis caché ! " Une maxime stoïcienne des vieux temps de l'Empire. Je la reprends à mon compte et vais tout de suite acheter mon gâteau... d'anniversaire oui, moi aussi, ai chocolat, au vin rouge, à la bière ou au scotch. Pour l'aspirine ou autre panacée, on verra toujours bien demain ! Allez ! On ne vit qu'une fois, et pourvu que ça dure...

Obama et moi, nous avons au moins ça en commun : nous sommes deux lions... pour ceux qui croient un tant soit peu à l'astrologie, vieux savoir babylonien qui ne manque pas de poésie. J'aime la poésie, j'en veux, j'en mange ! Tout ce qui peux donner de la force à supporter cette triste réalité, ainsi que le courage d'habiter cet incommensurable réel.

Chers dinosaures, serpents et aigles, oiseaux, poissons et autres esprits animaux, je vous salue. Zarathoustra et le Crucifié vous bénissent !
Live long and prosper !

dimanche 28 février 2010

Pourquoi créer ? (suite)

Rappelons la question qui nous guide: Pourquoi créer? À cela, je réponds: pour faire corps avec ce qui est et pour éprouver une joie inexplicable dans cet acte même de faire corps. Il faut comprendre que "ce qui est" n'est pas figé, tout fait, mais en train de se faire, en processus incessant de métamorphose. C'est pur faire corps avec un tel processus que l'homme et la femme créent. Ils participent alors d'une puissance infiniment plus grande qu'eux, puissance de créer ne faisant qu'un avec la nature ou la réalité. Pourquoi une telle puissance est-elle? Pour reprendre la grande question métaphysique: "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?" En vérité, y a-t-il une autre réponse à cette question que celle fournie par les enfants lorsqu'on les pousse dans leurs derniers retranchements? Pourquoi? Parce que! Parce qu'il n'y a pas de réponse à une telle question, parce que celui qui tente d'y répondre ne se trouve pas au-sessus de la mêlée, parce que la question même émane de cette puissance de création et de métamorphose, l'acte de créer participant au mystère ou au caractère inexplicable de ce qui est. Peut-être est-ce le caractère inexplicable, gratuit de la création que pointe du doigt l'image anthropomorphique d'un Dieu créateur. Celui-ci n'a pas besoin de créer. Il n'y a aucune nécessité à la création, aucune raison, aucune cause. Elle a lieu avec la même gratuité, le même luxe qu'il y a l'univers, les galaxies, les étoiles, le soleil, la terre et tant de formes de vie. Tout ce qui apparaît gratuit, sans raison, tel un luxe, dans la création humaine s'inscrit dans la caractère gratuit, luxueux de cet il y a. Nous sommes souvent obnubilés par des questions du type: À quoi ça sert? À quoi ça sert, l'univers? À quoi ça sert,la vie? À quoi ça sert, l'être humain? N'y a-t-il pas quelque chose de gratuit dans tout ce qui est grand? Paradoxalemet, n'est-ce pas quand parce que la création participe à la gratuité de l'il y a qu'elle est si nécessaire, voire essentielle? N'est-ce pas parce qu'il y a cette gratuité dans la création qu'elle produit en nous cette joie inexplicable? Nous pourrions ne pas créer, ou nous pourrions créer sans le savoir, malgré nous pour ainsi dire, portés par la création universelle, mais le fait de nous inscrire corps et esprit dans le processus nous fait communier avec l'univers, avec la terre et avec l'humanité, nous faisant ainsi ressentir une joie gratuite et sans raison.


Cette longue citation tirée du livre de Pierre Bertrand, Pourquoi créer?, Éditions Liber, Montréal, 2009, pp. 67 à 70.

samedi 27 février 2010

Sur la création

Je m'en veux d'avoir longtemps négligé ce blog. J'étais occupé ailleurs. Maintenant je veux ici recopier des pages qui m'apparaissent éclairantes sur l'expérience existentielle de la création, comme désir et comme pratique, comme extase, enfin. Elles sont de Pierre Bertrand, professeur de philosophie au cegep Édouard-Montpetit à Longueuil, un ancien collègue qui enseigne depuis longtemps en cet endroit où j'avais fait mes études entre 1972 et 1974.

Déjà nietzschéen alors que j'étais encore marxiste, nous n'étions pas d'accord mais je dois reconnaître que cet écrivain et penseur a continué de progresser vers quelques questions essentielles. J'ai l'intention de traduire ces pages pour les rendre accessibles à des amis Chinois. Qui en ont bien besoin parce que la création n'est pas leur fort. Il faudra pourtant qu'ils s'y mettent !

POURQUOI CRÉER ?

L'acte de créer consiste à transformer ce qui est. Pourquoi chercher à modifier ou à transformer ce qui est? Parce que ce qui est laisse à désirer, plonge l'être humain dans une impasse, l'obligeant à dépasser la réalité, par conséquent à se dépasser lui-même. Pourquoi la confusion, la souffrance, le négatif, le chaos serviraient-il de matériau nécessaire à partir duquel peut s'enclencher l'acte de création? Simplement parce qu'ils font partie intégrante de la réalité et que rien ne peut se faire sans elle. En effet, la réalité contient toute la puissance ou toute l'énergie nécessaire à l'acte de créer. Cet acte ne consiste pas seulement à produire une oeuvre extérieure, qui pourra éventuellement être perçue et appréciée par d'autres, mais plus fondamentalement à se créer soi-même. L'acte de créer consistant à produire du nouveau, il implique nécessairement un dépassement de ce qui est et de ce que nous sommes. Le matériau brut, chaotique n'est pas seulement à l'extérieur de nous, dans la réalité ambiante, il se trouve également en nous, dans nos impasses intérieures, dans nos questions sans réponse, dans nos difficultés existentielles. S'il s'agit de transformer le chaos en cosmos, c'est aussi de notre propre chaos qu'il est question, chaos intérieur affectant nos relations aux autres, aux objets et au monde. L'acte de créer implique de nous dépasser nous-mêmes afin de faire advenir quelque chose de nouveau, mais nous ne pouvons nous dépasser qu'en partant de ce que nous sommes. Il faut nous empoigner la réalité telle qu'ele est, ce qui se passe autour de nous, ce qui nous traverse, ce qui nous constitue. Tel est le matériau de départ, tel est l'ennemi intime qu'il nous faut saisir à bras-le-corps afin de transformer son énergie destructrice en énergie créatrice. Le créateur s'enfonce dans ce qui est, loin de le fuir. C'est à partir de tout ce qui le sollicite, le provoque, le met au défi et à l'épreuve qu'il crée. Contrairement à ce que nous pourrions penser, ce n'est pas à partir de bonnes conditions, encore moins de conditions idéales, que l'on crée, mais plutôt en dépit de mauvaises conditions, envers et contre les obstacles et empêchements. Très souvent, nous faisons face à cette situation : nous voudrions créer, mais nous estimons que les conditions sont défavorables, qu'elles nous en empêchent. Mais si créer consiste à transformer le négatif en positif, n'est-ce pas dans les conditions négatives que l'acte de créer doit s'enclencher? N'est-ce pas justement de des conditions que cet acte tire son énergie? Si elles sont excellentes, pourquoi créer?
En réalité, jamais nous ne nous trouvons dans de telles conditions. Celles-ci laissent toujours à désirer. Et c'est précisément pour cela qu'eles sont propices à l'acte de créer. Puisque cet acte consiste à faire du positif avec du négatif, un cosmos avec le chaos, à créer de la joie à partir de la souffrance, à produire une ligne de libération au sein du piège ou de l'impasse, ce sera en dépit des circonstances et non à cause d'elles que l'acte de créer se produira. C'est quelque chose qu'il nous faut comprendre et presque toucher du doigt. Car nous sommes tous dans cette position d'attente: attendre que les conditions changent, que le miracle se produise, que les choses viennent à nous, que nous ayons au préalable réglé tel ou tel problème constitutif de nos vies. Or, c'est en plein milieu, sans crier gare, que la création s'effectue. Il n'y a pas de commencement à celle-ci, elle a toujours déjà commencé, comme la création de notre être a commencé sans nous, par le désir de nos parents, qu'elle s'est faite en partie pour ainsi dire en notre absence et que nous n'en sommes devenus conscients qu'en cours de route, au milieu du parcours. C'est au milieu de quelque chose qui n'est pas elle, qui même l'empêche et la nie, que la cération s'enclenche. Elle a toujours déjà commencé, ne fût-ce que comme création continuelle d'imprévisible nouveauté en quoi consiste la nature. Oui, la nature est déjà en train de créer, elle a toujours été en train de créer, créant l'homme même, et c'est en participant à cette nature ou à cette réalité que l'homme crée à son tour. Nous touchons ici du doigt l'un des plus puissants motifs de créer: faire corps avec la réalité.
En créant, l'homme se met au diapason de la réalité ou de la nature, cette dernière n'étant rien d'autre qu'un processus de création sans commencement ni fin. Pour créer, l'homme doit faire corps avec le matériau de départ, s'ouvrir à lui, ne faire qu'un avec lui. Tout commence par une étreinte, une empoignade, une prise à bras-le-corps. Le processus de créer, lui, est la continuation d'une telle étreinte ou d'une telle sensation de faire corps. L'oeuvre, au moment où s'effectue la création, n'est pas séparable de celui qui la crée. Les deux en réalités ne font qu'un. Pour nous éclairer, pensons à l'acte singulier de création qu'est la procréation. Toute la joie de la future mère ne consiste-t-elle pas à ne faire qu'un avec l'enfant qu'elle porte? Celui-ci fait partie d'elle-même, de son corps. Quelque chose se produit par-delà la procréatrice. C'est en cela que consiste la joie qui accompagne tout acte de création, ce sentiment de faire corps, de participer à un processus qui nous contient, bien plus que nous ne le maîtrisons, un processus dont nous faisons tous partie. Ici encore, il y a quelque chose à apprendre de l'acte de créer: si nous créons par-delà nous-même, quelque chose de plus grand que nous doit se passer. L'acte de créer ne peut pas simplement nous refléter, il doit puiser au contraire dans des sources secrètes, qui ne sont pas seulement les nôtres, qui traversent également les autres, le monde, la réalité ou la nature.