lundi 7 décembre 2009

Application

Des exemples psychologiques font entrevoir qu'une crainte exagérée ou phobique à l'égard du "devoir vivre" est liée, de façon générale, à des peurs souvent insupportables et relatives à l'expressivité corporelle, voire aux craintes de se mouvoir librement et de se révéler par des gestes. La raison d'un tel "comportement" est facile à comprendre sur la base de l'autoaffection originaire en sa manifestation phénoménologique esquissée. Car l'angoisse, comme sentiment fondamental de l'existence et de la vie, englobe, d'une part, les craintes qui ont pour objet les possibilités imprévisibles de mon être corporel, par exemple en tant que sexualité, et, d'autre part, cette même angoisse est l'expression essentielle ou ontologique de notre passibilité de naître dans la vie sans distance ou fuites possibles. C'est exactement cette dernière épreuve d'appréhender son Soi à nu, d'en faire l'expérience jusqu'au paroxysme de l'angoisse en son désespoir traumatisant qui définit l'autoaffection charnelle par laquelle je me "connais" comme un être vivant, mais sans protection derrière une image ou représentation ob-jectivantes. Ce qui vient d'être dit de l'angoisse est également vrai pour la joie et le bonheur en leur jouissance sans bornes, ce qui se trouve développé ailleurs. Car il s'agit à chaque fois d'une expérience qui se situe en-deçà d'une sensation ou d'un sentiment déterminé, comme Kierkegaard l'a bien vu du pathos du désespoir et du "saut par la foi" dans son Traité du Désespoir souvent repris par Michel Henry, et c'est la raison pour laquelle la corporéité charnelle ne peut jamais faire partie des objets qui se dessinent ou se projettent sur un horizon temporel d'objectivité intentionnelle. La corporéité est ainsi la modalité phénoménalisante originaire par laquelle la vie devient l'autoaffection ontologique d'un Moi individuel, ou mieux encore : la manière dont ce moi vivant est sa propre chair ipséisée, sans jamais pouvoir en former une idée adéquate par abstraction.
Il y a, par suite, deux traits essentiels qui caractérisent la structure phénoménalisante de l'auto-affection et qui forment une unité matérielle ou substantielle en procédant l'un de l'autre. La passibilité d'être lové à une vie inexorablement en tant que moi charnel se manifeste d'abord sur le plan de l'angoisse, puisqu'il s'agit, en cette situativité absolument radicale, d'un lien qui m'attache à la vie sans autre recours possible, et cela à cause de cette identité entre le Moi que je suis et la corporéité charnelle que je suis en même temps, à savoir en tant que moi singulier justement qui s'éprouve toujours d'une manière déterminée. Mais cette angoisse se transforme en joie qui est la totalité affective "corrélative" sur le plan transcendantal, lorsque les potentialités de la vie s'annoncent et s'affirment comme un pouvoir en croissance ou en expansion, ce que Spinoza a bien vu par le conatus comme puissance immanente relatant de la substance éternelle. Tous les autres affects, pulsions et sentiments s'édifient sur cette polarité, oscillations fondamentales et y reconduisent sans faille, car la souffrance, en tant que réceptivité pure de la vie, implique -- sans arrachement possible et avec une certitude absolue -- que cette vie reste une vie donnée et donnante qui se réjouit d'elle-même comme jouissance phénoménologiquement identique en toute sensation particulière.

2 commentaires:

Unknown a dit…

Merci pour votre commentaire.
Que nous ne soyons pas d'accord sur tout est plutôt bon signe, non?
Je respecte votre opinion et vous dis à bientôt.

Jacques Perreault a dit…

Oui, merci. Je viens de voir votre commentaire. Je suis un peu gêné : ce message n'est pas terminé. C'est une simple citation au départ, que je voulais commenter et dont je n'arrive pas à retrouver la provenance précise. C'est dans un grand cahier, du style "Cahiers de l'Herne" consacré au philosophie Michel Henry, colloque, contributions, etc.

Je trouve que je néglige trop ce blogue, au profit d'autres dont un secret.