samedi 14 mars 2009

philosopher par gros temps

Philosopher à l'ère des catastrophes... Cela n'est pas évident. Dans les époques de calme apparent la préoccupation philosophique, le souci des "grandes questions" passe facilement pour une sorte de maladie mentale et déjà Aristote avait ses théories sur la mélancolie des hommes de génie. Mais c'est une création de la tradition philosophique occidentale que de considérer que l'histoire humaine est une et de bout en bout.

Et vous, n'avez-vous pas l'impression qu'il serait intéressant de savoir à quel bout nous en sommes ? Dans l'époque où nous sommes, celle des catastrophes approchantes et qui plus est, pour ce que nous en savons, catastrophes qui sont de notre propre fait, dans l'étalement massif de notre style de civilisation.

Ni au début, peut-être pas à la fin mais... au beau milieu d'une crise qui est plus qu'une simple crise de croissance, plus qu'une crise du concept même de la croissance : les économistes clairvoyants, comme les écologistes nous disent que la croisssance, telle du moins que nous la connaissons, n'est absolument pas soutenable.

Il n'est vraiment pas exagéré de dire que cette crise, que je croyais jadis être celle de l'adolescence de l'humanité est, plus exactement une crise existentielle où c'est la question de la poursuite dans l'existant qui est posée, soit le mode panique de la question souvent trop "pausée" de l'être. Le thème du tragique, ici, de l'existence humaine dans cette histoire sur cette planète, pas la seule et de loin!, est celui introduit par le génie sensitif que fut William Shakespeare. Mais la traduction qu'on nous propose est édulcorée, elle-même faite à partir du passage original en anglais où la ponctuation est défectueuse, ce qui détruit la radicalité du sens de la question qui est posée. Nous croyons qu'il faille lire :

"Être ou ne pas... mais être!, oui, voilà ce dont il s'agit !" C'est le moment crucial de la décision d'être, largement volontariste, qui voit la naissance du sujet moderne qui selon nous traduit plus nettement le problème posé par l'énoncé anglais à la ponctuation correcte : "To be or not... To be! That is the question!"

"The question" pas dans la sens contemplatif de l'intellectuel parisien, mais "l'affaire" en question, dans le sens hyperactif du businessman londonien.
Dans cette scène, qui tente de reprendre et d'assumer son être presque au niveau du choix originel, Hamlet se décide de combattre : pour récupérer l'exercice du pouvoir, il met ses fantômes derrière lui et se détermine à "vouloir le rien plutôt que de ne rien vouloir", ce qui est la définition selon Nietzsche du nihilisme actif.

Il y a plus de trente ans que je me tue, littéralement, à dire que la question qui se pose à cette époque où j'ai eu la chance de naître est une question existentielle de la décision d'être mais pour toute l'humanité, et je l'ai fait avec mes obscurités, quitte à m'engager dans une vie personnelle malheureuse. (Avec obsession sexuelle mais tristement incapacité à communiquer mon désir). Voilà pour la confession personnelle.

Mais aujourd'hui, où nous nous trouvons au-dessous de toute vérité, tant que cette question n'aura pas été nettement posée et en partie résolue, il est tout à fait légitime de dire : je vis ici et maintenant et puisque dans trente ans il est devenu inévitable que s'installe l'enfer sur terre, où ne survivra pas même 10% de la surpopulation actuelle (parce qu'il faut nourrir tout ce monde, alors qu'il n'y aura même plus assez d'eau à boire!) mon plaisir, aussi trash soit-il est la règle absolue de ma conduite.

Cette position de nihilisme subjectif, sous-variante d'un nihilisme actif, est aujourd'hui beaucoup plus répandue que l'on ne pense. Les discours officiels et les institutions perdurantes (c'est leur fonction) excluent l'expression de cette véritable stimmung de l'époque mais ne peuvent rien contre sa dominance. Mes sympathies en passant pour ceux qui trouvent encore la ressource de faire des enfants et de s'en occuper.

Philosopher aujourd'hui, oui mais, pourquoi : pour guider l'action ou pour justifier la destruction ? La seule chose qui m'est certaine c'est que l'on ne s'en tirera pas sans l'une et l'autre. Nous allons voir, dans les années qui viennent, entre autres choses, que la conception de la rareté déployée par Sartre dans Critique de la Raison Dialectique est tout-à-fait d'actualité, horizon non seulement de pensée mais aussi de (sur)vie !

À bientôt, chers dinosaures.

dimanche 22 février 2009

Sujets

Le sujet réel à été ébranlé sur ses bases récemment (dans sa et ses propriétés), mais cela n'est pas nouveau puisque "la peur est le premier moteur" (Claire de Lamirande) et que de tout temps l'animal humain a versé de période en période, périodes de bonheur ou indolence confortable interrompue par une période de panique qui le forçait à sauver sa peau, dans la fuite le plus souvent, puis dans le combat, donc à se redéfinir à partir de ses moyens d'expression et d'action, soit ses outils et la recherche incessante du perfectionnement de son outillage mental, pour enfin parvenir à prévoir et préparer les affrontements.

Le sujet abstrait du rationalisme est une réduction appauvrissante et asséchante de l'expérience (existentielle et cognitive complète) qui devient possible seulement après l'établissement de la (fausse) sécurité à la suite des révolutions bourgeoises et l'établissement du pouvoir de la finance. Il n'a pas fallu attendre la crise financière et politique moderne ou actuelle pour en dévoiler la vanité. Les penseurs aigus et lucides de plusieurs époques ont fait de cette critique leur tremplin vers l'originalité. Hobbes, Locke, Machiavel, Spinoza, ensuite la lignée spéculative allemande, Kant, Fichte, Hegel et Marx. Finalement nous abordons le terrain de la transformation concrète.

Le sujet actuel ne peut pas se permettre de viser régulièrement la cohérence, encore moins constamment. Il est divisé, ce sujet évanescent, en plusieurs appartenances et torturé de multiples contradictions. La rigueur monolithique n'aura toujours été qu'une fiction du genre "idéal régulateur" mais qui est aujourd'hui encore moins de mise. Nonobstant certaines ossifications de réactions préprogrammées et/ou régressives, c'est un sujet fluctuant et qui, dans le meilleur des cas, tel un navigateur en haute mer, cherche à faire le point de ses différents engagements, investissements et références. Ce sujet accroupis n'est pourtant pas croupi, toujours vivant! et quand il se redresse, tentant de prendre conscience de sa recherche de redéfinition il se voit presque obligé de redevenir le sujet révolutionnaire, condamné à la liberté qu'au fond il aura toujours été.

Sur la ligne de crête des crises qui se succèdent en effet comme de grandes vagues (ou de plus petites vaguelettes) l'être de l'homme répond à cette obligation de créativité dont l'énonciation fut d'abord sartrienne. Cela semble banal de dire que l'homme doit toujours à nouveau chercher et trouver de nouvelles solutions aux problèmes qui se posent à lui mais aussi qu'il se pose à lui-même. La coordination des temps objectifs dont le temps du monde et la temporalisation subjective est l'espace même de la liberté, qui ne se joue dans aucun territoire. La liberté se joue dans le temps et c'est bien ce que nous sommes tous en train de redécouvrir.

Banalité de le dire, comme si l'on reconnaissait un état de fait mais on ne prend pas la mesure de ce que cela signifie concernant la théorie du sujet ou la conception de ce qu'est l'être de l'homme. Le travail en intériorité, de la pensée mais d'abord de l'affect, est essentiel. L'homme que nous sommes, vous et moi, hommes et femmes, enfants encore plus, sommes des êtres qui avons à redéfinir, remanier nos manières de voir et d'agir, le terrain pratique mais aussi l'envoûtement imaginaire, à réinventer donc, à travers ces moments et qui sont proprement subjectifs, notre être, dans la participation à plus vaste, pas forcément plus grand que nous.

faute d'adresse

Un précédent message au sujet de la théorie du sujet s'est retrouvé dans un autre de mes blogs. Je vais le refaire pour ici mais au-delà de l'anecdote, cette erreur me fait réfléchir sur les nouveaux dangers qui se multiplient et je ne parle pas "seulement" des problèmes reliés à la question du vol d'identité sur le net, par exemple.

C'est déjà quelque chose et il n'y a pas de protection universelle. On nous parle d'un ver qui infiltrerait un grand nombre d'ordinateurs partout sur la planète, par exemple (et c'est du sérieux!) et qui est jusqu'à maintenant indétectable car sans effets ; on ne sait pas ce qu'a en tête celui ou ceux qui sont à son origine ni quand il frapperont... Ce ver a été baptisé "Storm Worm" en anglais, dans l'appréhension de la joyeuse tempête qui se prépare... peut-être : Ver Tempête.

Mais je vois qu'avec des identités fictives, plurielles, à moins d'être schizophrène à personnalités multiples (et de pouvoir, quelque part, "gérer" ou fonctionner par miracle), tout un chacun peut se générer le genre de problèmes qui étaient auparavant réservés aux menteurs pathologiques et agents secret à double ou triple jeu. Alors, espion de soi-même ? Échapper aux jugements ? Danser avec les fous ?

Déjà au XIXe siècle Nietzsche et Dostoïevski diagnostiquaient dans l'ère du bariolage les personnalités fluctuantes qui allaient faire du problème de la vérité une question de jeux de langage. Wittgenstein releva le fait et nous sommes entrés dans "l'ère du soupçon" qui devait presque autant au climat de la guerre froide qu'à la désintégration du sujet cristallisé. Le perspectivisme annoncé s'était dès lors rendu maître de la place.

Maintenant l'humanité peut s'imaginer de grandes perspectives, le vaste chemin, par exemple, de la conquête de la galaxie, mais continue laborieusement à se tirer dans les pieds. Entre le sujet fait-aux-pattes et la petite marge de manœuvre sartrienne, entre l'arbre et l'écorce, petit ver blanc ou de couleur... faut-il choisir ?

lundi 2 février 2009

retour

L'ouverture l'an dernier n'était pas un faux départ. Seulement je n'ai pas pu trouver le temps et le moyen de continuer à publier. Maintenant je me sens prêt à prendre un nouveau départ. L'objectif étant d'avancer, mettre en forme, organiser, une réflexion sur la question du sujet. Cette question me semble, actuellement, brûlante et stratégique. La décantation depuis l'an passé me permet d'affirmer que les fidélités qui comptent dans ma vie vont d'abord à Sartre, le personnage, la prestance inénarrable de la personne dans sa vie oui, certainement, mais plus fondamentalement à sa pensée, dont la tension essentielle nous parle encore, aujourd'hui et demain sans doute, dans l'urgence.

L'autre référence importante ici est Nietzsche. C'est le penseur des limites qui cherche son chemin à travers le chaos. C'est lui qui a perçu les abîmes sur lesquels se dresse l'arche chétive de l'existence dite consciente et a su décrire l'illusion de la culture comme une rêverie en commun. Nous sommes tous des lotophages !

Je me méfie de plus en plus de Heidegger, ainsi que de Freud et Lacan, de Foucault ainsi que de bien d'autres, dont Zizek, évidemment.

La discussion la plus féconde me semble devoir se poursuivre du côté de Badiou et aussi Negri concernant la situation actuelle du sujet dans le monde et les intrications nouvelles et moins nouvelles des contextes politiques.

jeudi 17 avril 2008

Noms

Un moment je me suis demandé pourquoi Zizek ne mentionnait jamais le nom de Sartre, qui m'est cher, alors qu'un Sloterdijk, lui, le fait volontiers et, comme il fait souvent, il le fait brillamment.

Bien, la différence entre ces deux auteurs, qui me semblent tous les deux importants dans le champ de la philosophie contemporaine, passe par leur attitude vis-à-vis du lacanisme.

Zizek ne jure que par Lacan, apparemment, alors que Sloterdijk entretient une méfiance attentive vis-à-vis de tout ce qui provient du docteur Jacques Lacan.

C'est donc sur le thème du Sujet qu'opère un diviseur dont le rapport, positif ou évité à Sartre, n'est qu'un symptôme.

Sujet de la Vie, sujet de la pensée. Sujet de la Science, sujet du discours... Le problème de la Théorie du Sujet sera un des thèmes ici, sur ce blog d'orientation philosophique et phénoménologique, tout à fait au centre des réflexions, tentatives, etc.

Dont voici le coup d'envoi.

À bientôt !

Phil Phantasio