dimanche 10 mai 2009

Sloterdijk le magnifique

La relecture de ce tout petit texte : Règles pour le parc humain, m'a fait encore plus forte impression, je crois bien, que la première lecture que j'en avais faite, quelque part en 2002... J'avais d'abord été alerté par un écho affaibli de la polémique qui avait fait rage en Allemagne entre Peter et Jürgen (Sloterdijk et Habermas), du moins dans les médias, parce que Peter, lui, maintien qu'il n'a pas comme tel ajouté un mot à ce discours prononcé une première fois en juin 1997 à Bâle, une deuxième fois en juillet 1999 sans presque changer un mot, dit-il.

C'est parce que la seconde lecture, plus distanciée de tout ce brouillage du message que constitue la controverse médiatisée comme un serpent qui se mord la queue, focalisant sur la dictature du spectacle (et de la publicité) et que les questions, en fait, LA question essentielle qui y est soulevée reviens plus fortement de sous la trame. Cette question, je la formulerais ainsi, dans la mesure où j'aurais bien compris un texte pourtant si simple mais volant tellement plus haut dans son intelligence sensible des problèmes en apparence les plus abstraits et universels.

"Monsieur Heidegger, vous qui vous présentez comme LE grand interprêtre de L'Être, que faites-vous de cette amitié que les hommes se doivent à eux-mêmes et entre eux en ces temps de détresse ? Que faites-vous des injonctions de Platon et relevées par Nietzsche concernant le souci de l'anthropogenèse, que l'apprivoisement soit conduit à bon port et considérant les époques qui s'étendent sur des millénaires ?"

La réponse que nous permet d'entrevoir Peter Sloterdijk dans sa communication incisive c'est que, prétextant s'occuper de telles questions, monsieur Heidegger à ce moment est surtout occupé à sauver sa peau. Il tente de retrouver une audience dans cet immédiat après-guerre où presque toute l'Europe était plongée dans la misère. Et voilà qui nous permet de situer tout ce débat autour de ce texte longtemps intriguant (au sens de mystérieux mais aussi au sens de complot sectaire) dans un contexte à la fois plus précis et plus vaste.

Ce temps était celui de la victoire de l'américanisme et du partage de l'Europe et du monde imposé par la solidité des positions prises par l'URSS. La guerre froide pointait déjà à l'horizon et les intellectuels les plus clairvoyants, se déterminaient déjà à choisir leur camp. Sartre embrassait le parti de l'homme, dans son inachèvement, mais essentiel : c'est-à-dire dans la problématique de sa liberté incontournable : ontologique. C'est là où Sartre voit l'appel de l'Être chez l'homme.

Dans ce contexte, Heidegger entreprend, par cette lettre, adressée à Jean Beaufret mais ensuite publiée librement, de se démarquer de cette mode tapageuse dont les échos lui parvenant ne manquaient certainement pas de l'agacer prodigieusement. Mais que le besoin d'explication, la faim de sens et même de philosophie descende dans les masses ne devrait pas être, en soi, un phénomène désastreux. Il importe sans doute d'encadrer ce mouvement et par les mises en garde prévenir les emportements les plus extrêmes, mais pourquoi s'employer à discréditer radicalement un penseur qui pourrait être un allié important ? Parce que c'est d'abord et avant tout un rival dont il faut atténuer l'influence. Sartre, même se réclamant de lui dans L'Être et le Néant fait de l'ombre à monsieur Heidegger. Un peu trop libre, sans doute, dans sa reprise (relève?) du problème de l'existant.

Quoiqu'il en soit je ne suis pas encore certain de ma position sur cette question du rapport des pensées de Sartre et de Heidegger, de savoir qui a raison, finalement... Je ne suis pas sûr de pouvoir évaluer exactement la portée des problèmes soulevés dans cette Lettre sur l'humanisme, et c'est pourquoi je vais dans les prochaines communications ici même en tenter une lecture modeste, qui va d'abord tenter de mettre à plat les saillies et problèmes qui accrochent, pour donner au texte sa chance de laisser venir son énergie propre et donc l'allant qu'il pourrait, encore aujourd'hui, nous communiquer. Mais par ce qui précède je ne cache pas que déjà je suis hanté par quelques gros doutes sur le rôle "angélique" de monsieur Heidegger. Chantre de l'Être ou avocat de l'allemand ?!

Ph. Ph.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Ceci est un essai. A reprendre plus tard.